Le Prince

Violoniste pour les violonistes, toujours resté en retrait par rapport à l’activité inlassable de son confrère et ami Itzhak Perlman, Pinchas Zukerman est un artiste discret, au point que son art risque de passer inaperçu auprès de la jeune génération de mélomanes. Ses disques nombreux, dispersés entre Sony et Philips, Decca, Deutsche Grammophon et quantité de petits labels, sont collectionnés par les aficionados mais pour la plupart d’entre eux étaient devenus difficilement accessibles.

Quelle ne fut pas ma surprise, lorsque, à la suite d’une boîte regroupant les gravures DG d’Itzhak Perlman, le label jaune annonçait un hommage à Zukerman. Je m’attendais à un petit coffret, mais non, 22 CDs !

Deutsche Grammophon y a amalgamé tous ses disques enregistrés en tant que violoniste, altiste ou chef pour Philips, Decca et DG. Somme diverse, passionnante quelques soient les répertoires – écoutez un peu ses Brandebourgeois avec les membres du Los Angeles Philharmonic – qui dresse un portrait complet de l’artiste et réserve quelques retrouvailles saisissantes.

Avait-on jamais mieux joué les Sonates pour alto de Brahms depuis William Primrose ? Ce son de quasi-violoncelle, ces phrasés ombreux, ces accents nostalgiques que le piano de son ami Daniel Barenboim ourle de paysages crépusculaires, quelle poésie ! Et leurs Sonates pour violon sont de la même eau. Autre ensemble majeur, les concertos – Beethoven, Brahms, Sibelius – qu’ils chantent dans un geste commun, jamais une démonstration, toujours de la musique de chambre.

Le legs Philips se répartit entre la direction où le simple plaisir du partage avec les musiciens est une évidence, et quelques disques assez magiques avec celui qui est devenu son accompagnateur : Marc Neikrug. Leur tendre lecture de la Seconde Sonate pour violon de Prokofiev est un bijou, leur Franck, leur Première de Saint-Saëns des modèles pour le style, leur disque de bis subtilement mené, plus musical que brillant.

Et cette Concertante de Mozart où il chante avec le violon de Perlman sous la baguette de Mehta, n’est-ce-pas la plus émouvante, la plus fraternelle jamais gravée ? Cette somme de plaisirs où rayonne la musique réserve sans cesse des surprises, comme le ton héroïque, conquérant que Zukerman met à la partie d’alto d’Harold en Italie enflammé par Charles Dutoit ou le chant net, pur avec lequel il conduit les Trios de Schubert partagés avec Lynn Harrell et Vladimir Ashkenazy.

Immanquable, essentiel. Et maintenant que Sony fasse de même avec les legs RCA et CBS !

LE DISQUE DU JOUR

pinchas-zukerman-complete-recordingsPinchas Zukerman
Complete Recordings on Deutsche Grammophon and Philips

Œuvres de J. S. Bach, Beethoven, Berg, Berlioz, Brahms, Dvořák, Franck, Haydn, Heberle, Mendelssohn, Mozart, Prokofiev, Saint-Saëns, Schubert, Sibelius, Strauss, Vaughan Williams, Vivaldi

Pinchas Zukerman, violon

Marc Neikrug, piano
Itzhak Perlman, violon
Ronald Leonhard, violoncelle
Barbara Winters, hautbois
David Breidenthal, basson
Hermann Baumann, cor

St. Paul Chamber Orchestra
Chicago Symphony Orchestra
Los Angeles Philharmonic Orchestra
London Philharmonic Orchestra

Orchestre de Paris
Ensemble InterContemporain
Orchestre Symphonique de Montréal
English Chamber Orchestra

Daniel Barenboim, direction, piano
Pierre Boulez, direction

Un coffret de 22 CD du label Deutsche Grammophon DG 4795983
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Photo à la une : © DR