Ian Hobson, pianiste émérite à l’abondante discographie s’adonne de plus en plus volontiers à la direction d’orchestre. Le voilà qui se penche sur les manuscrits orchestraux des jeunes années de Martinů avec le concours de l’excellent Sinfonia Varsovia.
Car Martinů, comme Enesco, composa adolescent et au long de sa vingtaine toute une autre œuvre, fascinante, d’une diversité et d’une invention que le style définitif acquis par le compositeur dans sa maturité magnifiera certes, mais en quelque sort appauvrira.
C’est dans cet incroyable vivier que Ian Hobson récolte ses perles : deux volumes déjà, le premier tout entier de pièces plus ou moins brèves, révèle à quel point Martinů adolescent – Posviceni (Fête villageoise) est l’œuvre d’un gamin de seize ans ! – était sensible à la veine populaire et disposait déjà d’un art d’orchestrer absolument anti-académique.
La Suite de danses est irrésistible, piquante ou poétique tour à tour, une merveille d’invention : cet art est si brillant et pourtant si personnel, déjà absolument formé. Mais lorsque le Nocturno I paraît, immergeant l’orchestre dans une nuit sans lune, pardon, c’est un chef-d’œuvre, pas moins.
Tout comme Stin (L’Ombre), le grand ballet de féérie noire que Martinů mena à bien l’année de ses vingt-cinq ans. Argument sinistre – une jeune fille, figurée par une voix de soprano en coulisse, danse avec une ombre en présence de la mort qui les fauchera toutes deux – musique inoubliable de pure poésie, où le génie du jeune homme éclate : tout son orchestre est déjà là, piano omniprésent, alliages magiques des timbres, espace sonore inouï, cette sombre merveille vous fascinera d’autant que Ian Hobson la dirige avec un art, une attention qui en magnifient l’étrange onirisme : la veine surréaliste de Julietta n’est pas si loin.
LE DISQUE DU JOUR
Bohuslav Martinů (1890-1959)
Prélude en forme de scherzo, H. 181a
Composition, H. 90
Posviceni, H. 2
Nocturne en fa dièse mineur, H. 91
Petite suite de danses
Sinfonia Varsovia
Ian Hobson, direction
Un album du label Toccata Classics TOCC0156
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Bohuslav Martinů
Stin ou l’Ombre, ballet
en un acte, H. 102
Anna Maria Staskiewicz, soprano
Agnieszka Kopack, piano
Sinfonia Varsovia
Ian Hobson, direction
Un album du label Toccata Classics TOCC0245
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Photo à la une : Le compositeur Bohuslav Martinů, avec à droite, Frederick Jacobi, plus tard aux États-Unis – Photo : (c) DR