Deutsche Grammophon avait accordé le projet d’un cycle d’opéras de Mozart à Yannick Nézet-Séguin en l’assortissant d’une condition : Rolando Villazón y tiendrait les premiers ténors. Ce sera finalement le chemin de croix du chanteur mexicain, sa voix s’épuisant à mesure de chaque parution, et un sérieux handicap à une entreprise brillantissime dont j’aurais savouré l’esprit comme la lettre.
Pour les Nozze, Rolando Villazón ne paraît qu’en Basilio, mais il paraît ! gonflant son numéro, impossible de maniérismes et d’un chant boursoufflé. Un coup d’œil à la distribution nous montre Jean-Paul Fouchécourt prenant les quelques mots de Don Curzio. Or, le « maestro di musica » lui serait allé comme un gant. Quel dommage !
Car en dehors de cette scorie passagère, la distribution est fabuleuse, dominée d’une bonne tête par les deux sopranos : la Susanna fraiche et rouée, d’un charme fou, distillée par Christiane Karg n’a rien à envier à ses grandes ainées, Lucia Popp en tête, c’est dire ! Mais la vraie surprise vient de la Comtesse. Sonya Yoncheva aura remplacé au dernier moment une consœur indisposée. Quel plaisir de retrouver pour Rosine une grande voix de belcanto capable encore de se plier aux lignes instrumentales de Mozart, et d’emporter les vocalises du « Dove sono » avec un tel feu. Magique !
Le Figaro impeccable de Pisaroni, le Comte plus furieux que cruel d’Hampson, un Cherubino charnu (Angela Brower), le charme même pour Barberine (Regula Mühlemann, à suivre !), une impayable Marcellina, Anne Sofie von Otter à laquelle est rendu le charmant « Il capro e la capretta », des comprimari comiques ébouriffants hors Villazón (incroyable Bartolo selon Maurizio Muraro, irrésistible Philippe Sly dans les défroques d’Antonio), voilà bien une véritable équipe pour laquelle Yannick Nézet-Séguin déploie son orchestre de parfums, très attentif à la lettre comme à l’esprit. Ne lui manque qu’un zest de folie et des tempos ivres pour le jardin final, mais enfin, ces Nozze de grand soleil m’auront duré tout l’été !
LE DISQUE DU JOUR
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Le Nozze di Figaro, K. 492
Thomas Hampson, baryton (Il Conte di Almaviva)
Sonya Yoncheva, soprano (La Contessa di Almaviva)
Luca Pisaroni, baryton (Figaro)
Christiane Karg, soprano (Susanna)
Angela Brower, mezzo-soprano (Cherubino)
Anne Sofie von Otter, mezzo-soprano (Marcellina)
Maurizio Muraro, basse (Bartolo)
Rolando Villazón, ténor (Basilio)
Jean-Paul Fouchécourt, ténor (Don Curzio)
Philippe Sly, baryton (Antonio)
Regula Mühlemann, soprano (Barbarina)
Vocalensemble Rastatt
Chamber Orchestra of Europe
Yannick Nézet-Séguin, direction
Un coffret de 3 CD du label Deutsche Grammophon 4795945
Acheter l’album sur Amazon.fr – Télécharger l’album en haute-définition sur Qobuz.com
Photo à la une : La cantate bulgare Sonya Yoncheva, étoile marquante de cette nouvelle intégrale des Nozze par Yannick Néeet-Séguin – Photo : © Gregor Hohenberg