Trois pianos, quatre mains

Tiens, l’anniversaire Satie aura finalement produit un disque à la mesure du génie de son auteur. Alexei Lubimov, au lieu de graver une anthologie des pièces pour piano, a invité Slava Poprugin pour s’aventurer dans Socrate, tel que John Cage l’aura transcrit pour deux pianos. Une transcription ? En fait une translation : les portées de Cage doublent celles de Satie, miroir en noir et blanc où les gris colorés de son orchestre se reflètent. Mais le plus étonnant dans cette mise en abîme est que le chant y est incarné dans l’harmonie.

Les deux musiciens sont assis devant des pianos historiques, ceux qu’aurait pu toucher Satie chez Étienne de Beaumont, un grand Gaveau de 1906 pour Lubimov, pour Poprugin un Pleyel de 1920. Le son produit par cet assemblage est d’une beauté ! Alors que pour la musique d’ameublement de Cinéma une paire de Bechstein de 1909 préparés pour jouer plat et sec créé des effets sonores désopilants, c’est un véritable atelier à gongs et casseroles, d’un réjouissant incroyable, jusque dans une certaine dimension inquiétante. Cette mécanique ricane.

En regard des deux opus de Satie, deux autres de Stravinski : la transcription par le compositeur de Dumbarton Oaks et le Concerto pour deux pianos solo, deux partitions emblématiques des années trente où Igor balance entre néo-classicisme et musique de genre, qui sonnent datées surtout en face du pouvoir d’imagination et de l’art iconoclaste du sorcier d’Arcueil. A ranger à Satie donc, mais en évidence.

LE DISQUE DU JOURcover satie lubimov alpha

Igor Stravinski (1882-1971)
Concerto en mi bémol majeur, « Dumbarton Oaks »
(arr. pour deux pianos)

Concerto pour deux pianos solo (1935)
Erik Satie (1866-1925)
Socrate (transcription pour deux pianos : John Cage
Cinéma

Alexei Lubimov, piano
Slava Poprugin, piano

Un album du label Alpha 230
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Photo à la une : © DR