Une dernière fois Berlin

Je l’attendais cet hommage des Berliner Philharmoniker à Claudio Abbado, le voici. Le label de l’orchestre a bien fait les choses, un bel étui toilé rouge, sobre et flamboyant comme Abbado lui-même, renferme l’ultime concert qu’il donna avec eux, son et image comme toujours chez cet éditeur exemplaire.

Pas de Mahler, qui fut avant Beethoven ou Brahms leur grande affaire commune, ni d’ailleurs rien de ces deux derniers, mais un programme regardant ailleurs, comme les aimait Abbado, soutenu par une thématique même (surtout) la plus lâche possible, ici l’imaginaire littéraire, mieux le théâtre vrai de Shakespeare avec des extraits du Midsummer Night’s Dream de Mendelssohn, et le théâtre rêvé du poète opiomane de Berlioz qui songe sa Symphonie fantastique.

N’attendez rien que le plaisir de la musique. Abbado se délecte de sonorités magiques de ses Berliner dans le Songe de Mendelssohn, il les dirige avec les yeux, une tendresse dans le regard et cette main qui suggère des sfumatos, poésie que je ne retrouverai plus, que vous ne retrouverez plus, mais qui est ici offerte pour toujours.

Et cette Symphonie ? Pas fantasque du tout, pas en démonstration, même lorsque le son est profus il reste élégant, même lorsque Le Sabbat paraît, la raison n’abdique pas, c’est d’abord le Berlioz inventeur d’orchestre, de timbres, d’alliages qu’Abbado surprend plus qu’il ne le souligne, car évidement tout émane, rien jamais ne proclame. J’en pleurerais, de revoir ainsi celui qui m’aura donné tant d’émotions musicales depuis ces Altenberg-Lieder avec Margaret Price au Théâtre des Champs-Elysées jusqu’à cette ultime Neuvième de Mahler à Pleyel où le pianissimo des cordes prolongeait temps et espace.

Rien non plus ici d’un adieu : Abbado reviendrait, c’était certain, mais depuis la mort a tranché, il n’est pas revenu, comme d’ailleurs Stella Doufexis, emportée elle aussi par un cancer. Alors, encore une fois le DVD tourne dans la platine, je feuillette le livre-disque où paraissent tout un lot de photographies d’Abbado, en cuisine, à l’orchestre, avec les footballeurs, avec Pollini, jamais vues, histoire d’aviver la nostalgie, cette vertu.

LE DISQUE DU JOUR

cover abbado last concert berlinerThe Last Concert

Felix Mendelssohn-Bartholdy (1809-1847)
Le Songe d’une nuit d’été,
Op. 21 & 61 (extraits)

Hector Berlioz (1803-1869)
Symphonie fantastique, Op. 14

Deborah York, soprano
Stella Doufexis, mezzo-soprano
Chœur (de femmes) de la Radio Bavaroise
Berliner Philharmoniker
Claudio Abbado, direction

Un livre-disque de 2 CD et 1 Blu-Ray du label Berliner Philharmoniker BPHR160081
Acheter l’album sur le site du label Berliner Philharmoniker ou sur Amazon.fr – Télécharger l’album en haute-définition sur Qobuz.com

Photo à la une : © DR