Le bon choix

En 1988, Mariss Jansons donnait son premier concert avec le Concertgebouw : une stupeur parcourut l’assemblée : l’art du chef semblait naturellement accordé au jeu ample, profond mais lumineux de l’orchestre, comme le notait illico Bernard Haitink.

Chaque concert reproduirait cet état de grâce, documenté ici par une Symphonie fantastique de Berlioz captée le 1er avril 1990 et qui ouvre l’imposante somme de treize CDs et d’un DVD publiée ici : littéralement, le chef letton modèle chaque phrasé, faisant parler chacun des pupitres de l’orchestre, précis narratif sciant – et inutile de souligner la griserie des timbres.

Mais voilà, un chef ignorant quasiment tout de Bruckner et de Mahler, n’ayant guère de classiques ou de romantiques allemands à son répertoire essentiellement versé dans la littérature russe et les classiques du XXe siècle pouvait-il succéder à Bernard Haitink ? J’imagine qu’avant d’élire Kirill Petrenko voici quelques jours, les Berliner Philharmoniker durent se poser la même question.

Finalement, séduit par l’adéquation entre l’art du chef et le leur, les musiciens du Concertgebouw dirent oui à Mariss Jansons, qui dirigera son premier concert en tant que Directeur musical le 4 septembre 2004.

Amorce non pas d’une règne mais d’un partage : Jansons mit sont art au service de l’orchestre qui lui offrit son répertoire et sa sonorité, l’un et l’autre ne se brusquèrent jamais, d’autant que la modestie du chef et son artisanat trouvaient des échos naturels chez les musiciens, cette alchimie que l’on nomme affinités électives.

La somme des enregistrements en concert publiée ici est prodigieuse, je ne vous la détaillerais pas, elle illustre ce qu’est devenu le répertoire de Mariss Jansons aujourd’hui, et montre la pérennité d’un orchestre qui n’a renoncé ni à sa sonorité d’ensemble, ni à son jeu collégial, ni à son art de phraser dans la profondeur de l’harmonie.

Commencez par une divine surprise, le Deuxième Concerto pour violon de Martinu, avec l’archet fulgurant et joueur de Frank Peter Zimmermann, et promenez-vous à travers cette Valse en parfums sombres, ce Capriccio de Stravinski joyeux comme un Hockney, cette Deuxième Symphonie de Rachmaninov grisée de contre-chants, tant de merveilles, dominées par deux Symphonies de Mahler, une Septième ambigüe, solaire mais tendue, et avec l’ajout de l’image, la 4e, émouvante à vous en tirer des larmes. Les disques de votre été.

LE DISQUE DU JOUR

booklet.inddMariss Jansons
The Radio Recordings, 1990-2014
Hector Berlioz (1803-1869)
Symphonie fantastique, Op. 14a
Maurice Ravel (1875-1937)
La Valse
Witold Lutoslawski (1913-1994)
Concerto pour orchestre
Piotr Illyitch Tchaikovski (1840-1893)
Symphonie No. 6 en si mineur, Op. 74 « Pathétique »
Béla Bartók (1881-1945)
Concerto pour orchestre, Sz. 116
Musique pour cordes, percussion et célesta, Sz. 106
Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie No. 4
Symphonie No. 7
Paul Hindemith (1895-1963)
Métamorphoses symphoniques sur des thèmes de Carl Maria von Weber
Peter-Jan Wagemans (né en 1952)
Moloch
Richard Strauss (1864-1949)
Till Eulenspiegels lustige Streiche (Les Joyeuses équipées de Till l’Espiègle), Op. 28
Tod und Verklärung (Mort et transfiguration), Op. 24
Anton Webern (1883-1945)
Im Sommerwind
Johannes Brahms (1833-1897)
Symphonie No. 1 en ut mineur, Op. 68
Robert Schumann (1810-1856)
Symphonie No. 1 en si bémol majeur, Op. 38 « Le Printemps »
Jean Sibelius (1865-1957)
Symphonie No. 1 en mi mineur, Op. 39
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Ouverture d’ « Egmont », Op. 84
Symphonie No. 5 en ut mineur, Op. 67
Arnold Schönberg (1874-1951)
Un survivant de Varsovie
Modeste Moussorgski (1839-1881)
Chants et danses de la mort
Leoš Janáček (1854-1928)
Taras Bulba
Sofia Goubaïdoulina (né en 1931)
Feast During a Plague
Gioacchino Rossini (1792-1868)
La gazza ladra (La Pie voleuse) – Ouverture
Francis Poulenc (1899-1963)
Concerto pour orgue, timbales et cordes
Louis Andriessen (né en 1939)
Mysteriën (Version No. 1)
Sergei Rachmaninov (1873-1943)
Symphonie No. 2
Richard Wagner (1813-1883)
Tristan und Isolde (Vorspiel und Liebestod)
Anton Bruckner (1824-1896)
Symphonie No. 3 en ré mineur, « Wagner-Sinfonie »
Bohuslav Martinů (1890-1959)
Concerto pour violon No. 2 en sol mineur, H. 293
Sergei Prokofiev (1891-1953)
Symphonie No. 5 en si bémol majeur, Op. 100
Igor Stravinski (1882-1971)
Capriccio pour piano et orchestre
Symphonie de psaumes
Luciano Berio (1925-2003)
Quatre dédicaces
Edgard Varèse (1883-1965)
Amériques
Olivier Messiaen (1908-1992)
Hymne au Saint-Sacrement

Hans-Peter Zimmermann, violon
Emanuel Ax, piano
Leo van Doeselaar, orgue
Anna Prohaska, soprano
Sergei Leiferkus, ténor
Ferruccio Furlanetto, basse

Rundfunkchor Berlin
Orchestre Royal du Concertgebouw, Amsterdam
Mariss Jansons, direction

Un coffret de 14 CD + 1 DVD du label RCO Live 15002
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Photo à la une : © Marco Borggreve