Réponse à Chostakovitch

« Je reste très impressionné par le concerto pour violon de Mieczyslaw Moishei Vainberg. C’est une œuvre extraordinaire. Et j’écris cela en ayant soupesé chaque mot, après mure réflexion. » Ces quelques ligne de Chostakovitch extraites d’une lettre à Kirill Kondrachine datée du 30 avril 1960 ont toujours déconcerté les musicologues : l’œuvre n’a été crée que le 12 février 1961. Mais dans le même courrier, Chostakovitch loue l’interprétation de Leonid Kogan. Celui-ci l’aura probablement joué pour partie dans le modeste appartement moscovite qu’occupait Chostakovitch.

Du reste, l’admiration de l’auteur de Lady Macbeth pour son collègue cadet de treize ans s’était maintes fois manifestée, et comment ne pas percevoir dans les partitions de Vainberg nombre d’échos à celles de Chostakovitch.

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Le compositeur Mieczyslaw Weinberg – Photo : (c) Olga Rachalskaya (Collection privée)

Le Concerto pour violon n’y fait pas exception, comme d’ailleurs la 4e Symphonie que Jacek Kaspszyk couple pertinemment sur ce disque d’exception qui semble constituer le premier jalon d’une nouvelle série d’enregistrements du Philharmonique de Varsovie. Dédié à Leonid Kogan qui en fit son concerto contemporain fétiche au point que David Oïstrakh n’y toucha pas, son lyrisme intense et son écriture nocturne culminent dans un Adagio étreignant. Les trois mouvements vifs, d’une écriture cursive, sacrifient à une certaine horreur motoriste.

Peu d’appelés pour défendre l’œuvre : après Kogan et son archet d’acier, Linus Roth en avait donné une version subtile, très détaillée. Ilya Gringolts reprend l’œuvre là où Kogan l’avait laissée, dense, amère, fulgurante, avec dans le Finale une nuance moins ironique. Violon fabuleux, orchestre alerte, voilà enfin la grande version moderne de l’œuvre.

Dans la 4e Symphonie où l’ombre de Mahler paraît si souvent, Jacek Kaspszyk met un jeu sostenuto d’autant plus assumé que la prise de son de tout le disque est splendide de présence, de dynamique, de précision. Album remarquable qui inaugure une série que j’espère florissante : et si Kaspszyk et les Varsoviens gravaient l’intégrale des symphonies de Grazyna Bacewicz ?

LE DISQUE DU JOUR

cover weinberg kaspszyk warner
Mieczyslaw Weinberg (1919-1996)
Concerto pour violon en sol mineur, Op. 67
Symphonie No. 4, Op. 61

Ilya Gringolts, violon
Orchestre Philharmonique de Varsovie
Jacek Kaspszyk, direction

Un album du label Warner Classics 0825646224838

Photo à la une : Le chef d’orchestre polonais Jacek Kaspszyk – Photo : (c) Sophie Wright