Une part majeure de l’art schubertien paraît dans la petite Sonate en la majeur, que tant auront parcourue de jolis doigts mêlant charme et indolence : la pudeur comme arme. Natalia Ehwald, l’a bien compris, qui caresse le cristal de l’Allegro pour le rendre plus trouble, raréfie le chant ténu de l’Andante, soudain un nocturne secret, avant de faire danser le Finale. Effets d’un si beau toucher, le temps s’abolit, et le silence même vient à propos ponctuer, secret de la syntaxe schubertienne.

Évidemment tant de simplicité dans la profondeur, et d’élégance dans le vocabulaire, comme de clarté dans la syntaxe et de profondeur dans l’harmonie trouvent les clefs des deux univers de la Sonate en si bémol majeur, ce testament à la Janus dont le vaste Molto moderato et la barcarole immobile de l’Andante semblent venir d’une autre planète : le piquant, les giocoso des deux mouvements vifs sont-ils de la même œuvre ?

Natalia Ehwald tire le même fil durant toute la sonate, du trille sombrement magicien à la grande fantaisie du Finale, elle tient l’ensemble dans un tactus parfait qui rappelle celui d’Arthur Schnabel, y mettant la même pudeur, la même absence d’effest, du pur Schubert, magnifié par une beau Steinway, probablement celui qui a ses aises et sonne si plein, tout en timbres, sans trompette, dans la belle acoustique du Reitsadel de Neumarkt où l’ont saisi les micros de Christian Jaeger, dorant toute une guirlande de Valses et de Ländler à faire pâlir à force d’élégances, d’apartés délicieuses, de fantaisies sans maquillage.

LE DISQUE DU JOUR

Franz Schubert (1797-1828)
Sonate pour piano [No. 13]
en la majeur, D. 664
17 Ländler, D. 366 (4 extraits : Nos. 1, 2, 3, 4, 12 & 17)
34 Valses sentimentales,
16D. 779 (extrait : No. 13 en la majeur)
38 Valses, Ländler & Ecossaises, D. 145 (4 extraits : Valses Nos. 9, 10, 2, 6 & 8)
Sonate pour piano [No. 21] en si bémol majeur, D. 960

Natalia Ehwald, piano

Un album du label Prospero Classical PROSP120
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Photo à la une : la pianiste Natalia Ehwald – Photo : © Gesine Born