Edward le romantique

Edward Gardner fera-t-il jamais un faux pas au disque ? Je le guette en vain, mais qui sait peut-être au concert ? Un certain manque de caractère aux premières mesures de la Septième de Dvořák, la plus sombre de ses symphonies, me le fait un instant craindre. Mais non, le discours s’anime, tout chante, le mouvement est idéal, la ligne sans une rupture justement grâce à un rubato subtil qui est le secret de Dvořák et qu’en Albion seul Charles Mackerras, converti par son épouse tchèque aux sortilèges moraves, posséda d’évidence, Sir Charles Groves étant une exception plus inexplicable.

Le vaste vaisseau de la Deuxième Symphonie de Schumann, empli dès l’intrada de paysages mystérieux, est aussi capté en concert. L’art de respirer est un viatique pour l’orchestre si singulier du Rhénan, peu l’ont compris avec tant d’évidence, hier assurément Rafael Kubelík et Wolfgang Sawallisch. Il faudra leur adjoindre Edward Gardner, si exact en poésie et en élan, et dans le sublime Adagio, qu’il ne fait pas traîner, si émouvant sans y toucher. Gageons qu’un jour il gravera en studio les quatre Symphonies et le reste des pages pour et avec orchestre, peut-être à Bergen, comme il l’a fait pour Chandos à Birmingham pour ses cycles Mendelssohn et Schubert.

Du cycle Mendelssohn je ne connais encore rien, mais au hasard des arrivages me parvient une solaire lecture de la grande Symphonie en ut de Schubert. Etonnant, jamais, par une finesse de traitement souvent chambriste, ne paraissent ici les prémices de Bruckner, c’est plutôt l’étiage altier du Mozart de la Jupiter qui dore le Scherzo et envole un Finale délivré de toute ardeur militaire.

De tels envols sont évidemment éminemment schubertiens et me rendent curieux du reste de ce cycle qui s’achève ici (et de celui consacré à Mendelssohn itou). S’achève vraiment ? Écoutez comment à travers les notes de Schubert Edward Gardner fait entendre la singularité des habillages de Brahms, Reger, Britten, et même ceux de l’Erlkönig selon Berlioz où le soprano expressif de Mary Bevan est parfait comme dans les autres lieder, faisant oublier les trois voix de Georges Thill dans la gravure pourtant immortelle de cette proposition de l’auteur des Troyens.

Après tout, puisque qu’Edward Gardner est si habile à faire tout entendre de ces transparences, il devrait se risquer dans son nouveau fief de Bergen à graver les propositions si pertinentes de Brian Newbould sur les symphonies inachevées ou fragmentaires : on espère une nouvelle version depuis les gravures impeccables de Sir Neville Marriner et de son Academy.

LE DISQUE DU JOUR

Antonín Dvořák (1841-1904)
Symphonie No. 7 en ré mineur, Op. 70, B. 141
Robert Schumann
(1810-1856)
Symphonie No. 2 en ut majeur, Op. 61

London Philharmonic
Orchestra

Edward Gardner, direction
Un album du label LPO Live LPO 0133
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Franz Schubert (1797-1828)
Die Forelle, D. 550 (version pour orchestre : Benjamin Britten, 1942)
Rosamunde, D. 797 –
No. 3b. Romanze
Erlkönig, D. 328 (version pour
orchestre : Hector Berlioz, 1860)

Geheimes, D. 719 (version pour orchestre : Johannes Brahms, 1862)
Im Abendrot, D. 799 (version pour orchestre : Max Reger, 1914)
Symphonie No. 9 en ut majeur, D. 944 « Grande »

Mary Bevan, soprano
City of Birmingham Symphony Orchestra
Edward Gardner, direction
Un album du label Chandos CHSA 5354
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Photo à la une : le chef d’orchestre Edward Gardner, avec le London
Philharmonic Orchestra – Photo : © Jason Bell