Ingrid Fliter, si naturellement chez elle chez Chopin, sa discographie le prouve, ne renonce ni à la danse ni aux paysages, qui dans les Mazurkas sont psychologiques : Chopin, surpassant l’idiome, en a fait à mesure le journal intime de son art.
Le premier volume ne va pas au terme du voyage, évidemment, puisque cette fois, contrairement à son enregistrement des Nocturnes, Ingrid Fliter respecte les cahiers, et autant que possible la chronologie, bien que la Première Mazurka de l’Opus 63 semble réservée pour le second volume, les seules Deuxième et Troisième refermant celui-ci.
Son piano clair et élancé va comme un gant à la fantaisie des premières, et fait de l’Opus 6 un petit bijou à la fois brillant et tendre, peu à peu le zaal enveloppe les mélodies, assouplit les rythmes, et soudain une valse lente veut faire croire qu’elle est encore une mazurka : l’aventureux si bémol mineur de l’Opus 24 No. 4 vaut pour césure.
Ensuite le brio se patinera, les harmonies se feront plus profondes, la danse plus une idée de danse, le son même prenant de l’ampleur, du coffre, gagné par ce médium volontiers ténébreux où les mélodies chantent dans des lacis polyphoniques pliant les rythmes eux-mêmes. Cette augmentation du discours laisse augurer, sous des doigts si musiciens, d’une belle suite.
LE DISQUE DU JOUR
Frédéric Chopin (1810-1849)
Mazurka en si bémol majeur, WN 7
Mazurka en ut majeur, WN 24
Mazurka en la mineur, WN 14
Mazurka en fa majeur, WN 25
Mazurka en si bémol majeur, WN 41
Mazurka en la mineur, WN 60
4 Mazurkas, Op. 6
5 Mazurkas, Op. 7
4 Mazurkas, Op. 24
3 Mazurkas, Op. 50
3 Mazurkas, Op. 59
3 Mazurkas, Op. 63 (2 extraits : No. 2 en fa mineur ; No. 3 en ut dièse mineur)
Mazurka en fa mineur, WN 65
Ingrid Fliter, piano
Un album du label Linn Records CKD 780
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Photo à la une : la pianiste Ingrid Fliter – Photo : © DR