Retrouvailles

Hugues Mousseau soulignait voici peu le succès de Daniel Harding remplaçant au pied levé Kirill Petrenko à la tête des Berliner Philharmoniker dans la 6e Symphonie de Gustav Mahler.

Et j’acquiesçais, me souvenant d’une lecture admirablement conduite de la même œuvre à Pleyel par Harding et l’Orchestre Symphonique de la Radio Suédoise. Puis dans un post, Alain Lompech me rappelait un de ses disques majeurs tombé dans les oubliettes alors qu’il est toujours disponible et même réédité en série à petit prix.

Les deux dernières symphonies de Brahms enregistrées à Brême par Daniel Harding avec la Kammerphilharmonie de la ville en novembre 2000 (4e) et en juin 2001 (3e) sont passées relativement inaperçues. Orchestre peu connu, chef adoubé par Rattle ce qui ne l’aidait pas vraiment, souffrant aux yeux de la critique du syndrome du baby conductor – il avait vingt-six ans à l’époque – œuvres hyper courues au disque et réservées jusque-là à des interprètes ayant passé la quarantaine et bien établis dans leur répertoire : tout plaidait contre l’album.

Hors, ce disque est une merveille. Non pas tant par la taille de l’orchestre d’ailleurs à peine allégé que par les couleurs de celui-ci. La Deutsche Kammerphilharmonie Bremen ne passait pas et ne passe d’ailleurs toujours pas pour un des ensembles majeurs d’Allemagne, mais sa palette de tons finement appariés, et son art du cantabile trouvent les chemins secrets de Brahms.

La Troisième, tout en sfumato est d’une poésie lunaire assez incroyable – pianissimo subito le centre du Poco allegretto, avant le retour du cor, instant magique – la Quatrième élégante et comme légèrement distanciée n’est pas si loin par l’épure du geste de Carlos Kleiber. Et Harding fait chanter ses pupitres, guide les phrases, sostenuto ma non troppo, en musicien consommé qui d’abord cherche la veine lyrique, sait jouer avec la barre de mesure sans maquiller le tempo.

Ce Brahms sans emphase, hanséatique de lumière et de ton, finement sculpté, disait tout l’art d’un jeune homme dont la France, malgré l’explosion de son Don Giovanni d’Aix, n’a jamais pris l’exacte mesure.

LE DISQUE DU JOUR

cover brahms harding virgin
Johannes Brahms
(1833-1897)
Symphonie No. 3
en fa majeur, Op. 90

Symphonie No. 4
en mi mineur, Op. 98

Deutsche
Kammerphilharmonie
Bremen

Daniel Harding, dir.

Un album du label Virgin Classics 5454802 (aujourd’hui Erato)

Photo à la une : (c) DR