Romeo Castellucci a infusé son univers dans celui de Raphaël Pichon sans que cela nuise à Mozart, au contraire.

Œuvre inachevée, et donc ouverte, le jeune chef en reste au travail de Süssmayr, sans regarder vers les complétions hasardeuses qui ont tenté l’impossible, préférant ouvrir plus encore l’espace entre les sections, n’hésitant pas à introduire au centre de la Sequentia le Ne pulvis et cinis déduit du Thamos coulé de la plume d’un Mozart de dix-sept ans, vision fabuleuse par sa noirceur, adresse pour éviter le foudroiement de Phéron que l’habillage en latin coule dans la liturgie.

Ce qui, au côté du Requiem, vient de Mozart montre le lacis des réemplois et des évocations qui parcourent l’œuvre du Salzbourgeois autant qu’elles le firent dans le corpus de Bach : le génie mélodique est un continuum, le théâtre un autre, que Raphael Pichon et Pygmalion invitent au long de l’œuvre, créant des vertiges et des stupeurs : le fragment de l’Amen, comme un envol après le Lacrimosa, quel saisissement !

Le peu qui n’en vient pas élargit l’horizon : l’In paradisum initial selon Chadi Lazreq, treble inspiré par sa fragilité même, bouleverse : cette nudité de la voix après la mort.

Ce Requiem selon Pygmalion a voyagé et s’est augmenté depuis l’accord avec l’univers de Romeo Castellucci, le visionnage d’un concert au Palau de la Música de Barcelone, disponible sur France Télévisions, fait regretter qu’à une si émouvante proposition n’en soit pas ajoutée cette émouvante captation vidéographique.

LE DISQUE DU JOUR

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Ach, zu kurz ist unsers Lebens Lauf (Double Canon a 4),
K. 228/515b
Miserere mei (Kyrie), K. 90
Ne pulvis et cinis, K. 122
Solfeggio II en fa majeur,
K. 393/385b. Adagio (orchestration : Vincent Manac’h)
Quis te comprehendat,
K. Anh.110
O Gottes Lamm, en fa majeur (No. 1, extrait des « 2 Kirchenlieder, K. 343/336c »)
Requiem en ré mineur, K. 626 (version Süßmayr)

Ying Fang, soprano
Beth Taylor, mezzo-soprano
Laurence Kilsby, ténor
Alex Rosen, baryton-basse
Chadi Lazreq, voix d’enfant

Pygmalion
Raphaël Pichon, direction

Un album du label harmonia mundi HMM902729
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Photo à la une : le chef Raphaël Pichon en tournée, en 2024 –
Photo : © Fred Mortagne