L’album est joli, qui déplie ses quatre volets à la manière d’un cahier d’estampes japonaises, occasion de s’immerger dans les décors de Leon Bakst pour Daphnis et Chloé.
C’est justement par Daphnis que j’ai commencé, selon Cristian Măcelaru loin de toute pantomime, des danseurs peuvent pourtant s’y glisser, mais en apesanteur, la touche est toujours légère même lorsque les brigands enlèvent Chloé, la composition des dynamiques évite toute percussion, l’orchestre ne se gonflant de sève qu’au Lever du jour où soudain paraît l’ardeur du concert, car cette anthologie fut captée entre l’Auditorium de la Maison de la Radio et la Grande Salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris en février et mars de cette année.
Merveille, un Tombeau de Couperin fluide et preste, complet avec les ajouts d’orchestrations inspirées pour la Fugue et la Toccata signées David Molard Soriano qui abondent en sortilèges chambristes pour la première et ose un brio savamment composé pour la seconde, Ma mère l’Oye intégrale est empli de magie, le Boléro se garde bien d’effets (contrairement à ce que pourrait faire craindre la note d’intention caribéenne du chef), Une barque sur l’océan fascine par sa précision (Ravel y a écrit un de ses orchestres les plus osés).
Partout, toujours une élégance naturelle rappelle que le National est chez lui dans cette musique, ce qu’illustre le panoramique de François-Xavier Szymczak qui passe en revue les chefs ayant illustré l’univers Ravel avant et depuis la création de la Maison ronde, quitte à ne citer Jean Martinon que pour mémoire (alors que l’INA conserve d’irrésistibles Ravel de son temps du National supérieurs à ceux qu’il grava pour EMI avec l’Orchestre de Paris).
Sans trop d’Espagne, la Rapsodie espagnole déploie plus de sortilèges, et sans traîner la Pavane sait émouvoir. Manquent à l’Alborada une pointe plus sèche comme un peu de vertige à La Valse, bémols mineurs, mais quel bonheur d’être ici surpris en bien !
LE DISQUE DU JOUR
Maurice Ravel (1875-1937)
Le Tombeau de Couperin,
M. 68(A) [avec orchestrations des pièces manquantes : David Molard Soriano]
Ma mère l’Oye, M. 62
La Valse, M. 72
Une barque sur l’océan,
M. 43A
Pavane pour une infante défunte, M. 19A
Alborada del gracioso, M. 43B
Rapsodie espagnole, M. 54
Boléro, M. 81
Daphnis et Chloé, M. 57*
*Chœur de Radio France (chef de chœur : Lionel Sow)
Orchestre National de France
Cristian Măcelaru, direction
Un album de 3 CD du label naïve V9018
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Photo à la une : le chef d’orchestre Cristian Măcelaru –
Photo : © Christophe Abramowitz