En voix légère, Fatma Saïd flûte l’invite de Belinda à disperser la tristesse, mais Joyce DiDonato lui répond par ce qui est déjà un lamento. L’esseulement de l’âme sera dès le début la couleur de cette lecture funeste où les marins sont des fous et les sorcières des vampires. L’orage qui prélude à leur conciliabule pose un décor saisissant rappelant que le fantastique est une habitude dans le théâtre anglais d’alors.
La verdeur des marins s’apprêtant au départ répond à la cruauté des sorcières, on attendait ici le geste éloquent de Maxim Emelyanychev, il n’y déçoit pas, ni ses chanteurs, mais tant d’animation, et si justement enlevée, doit céder le pas devant l’intervention irréelle de l’Esprit (Hugh Cutting), devant tout l’Acte de la chasse qui voit l’assombrissement progressif d’Enée, Michael Spyres creusant son baryton, devant surtout tout l’acte ultime, séparation amère jusqu’à la fureur, résignation cruelle jusque dans les soupirs des instruments.
Le murmure du lamento est comme le soupir d’une âme qui s’échappe, moment troublant au possible qui dit tout l’art de la mezzo américaine, et dont un chœur trop preste ne prolonge pas assez la désolation, seul bémol de cette nouvelle Dido dont aucun amoureux de l’œuvre ne voudra se passer.
LE DISQUE DU JOUR
Henry Purcell (1659-1695)
Dido and Aeneas,
Z. 626
Joyce DiDonato,
mezzo-soprano (Dido)
Michael Spyres,
ténor (Aeneas)
Fatma Saïd, soprano (Belinda)
Hugh Cutting,
contre-ténor (A Spirit)
Laurence Kilsby, ténor (A Sailor)
Alena Dantcheva, soprano (First Witch)
Anna Piroli, soprano (Second Witch)
Carlotta Colomo, soprano (The Attendant to Dido)
il Pomo d’Oro (coro e orchestra)
Maxim Emelyanychev, direction
Un album du label Erato 5021732284884
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Photo à la une : la mezzo-soprano Joyce DiDonato – Photo : © Sergi Jasanada