Dissection

Un orchestre dans le piano ? Pavel Kolesnikov et Samson Tsoy prennent le contrepied de leurs glorieux aînés qui ont voulu incarner en noir et blanc la violence physique d’une partition où l’orchestre semble toujours survivre.

Leur Sacre du printemps fouaille la partition, alternant pointe sèche et gamelan, fidèle d’abord aux rythmes, mais sans oublier un nuancier qui se décline dans des dynamiques partant du quasi-silence : écoutez les premières mesures des Rondes printanières, son hiératisme rituel, avant l’implosion qu’on croirait produite par un piano préparé.

Ils auraient pu l’oser comme pour leur fabuleux album Schubert, mais ils auront préféré prendre quelques licences avec le texte pour mieux saisir les atmosphères ou soudain faire entendre des épices harmoniques qui élargissent le spectre sonore. Assez fabuleux et certainement différent de tout ce que les duos de piano y auront tenté, quitte à parfois sentir un peu trop l’atelier.

À force de pudeur et d’élégance, l’art très composé qu’ils mettent à Ma mère l’Oye serait assez Ravel s’il n’y manquait l’émotion dans les Entretiens de la Belle et la Bête, émotion que les deux amis semblent fuir en faisant littéralement courir leur Petit poucet (que certes Ravel note « très animé », mais l’a-t-il pensé si fébrile ?).

Vous vous rembourserez par le carillon vermeil de Laideronette, surtout avec Le Jardin féérique, qui ouvre une porte que tant auront refermée.

LE DISQUE DU JOUR

Igor Stravinski (1882-1971)
Le Sacre du printemps, K015 (version originale)
Maurice Ravel (1875-1937)
Ma mère l’Oye, M. 60 (version piano 4 mains)

Pavel Kolesnikov, piano
Samson Tsoy, piano

Un album du label harmonia mundi HMM902752
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Photo à la une : les pianistes Pavel Kolesnikov et Samson Tsoy –
Photo : © DR