Si l’on pense Fauré, on songe mélodies, Nocturnes ou Barcarolles, Quintettes ou Quatuors, Requiem, les plus amoureux Pénélope, mais à son orchestre ?
Debussy et Ravel l’auront dévoré avant et après, Michel Plasson, prenant la suite d’Inghelbrecht, l’aura retrouvé, mais manquait à ce corpus fragile et disparate qui s’étend jusqu’aux musiques de scène (Caligula, Prométhée, Shylock, Pelléas et Mélisande, Masques et bergamasques), une intensité qui ne l’aurait pas fait pâlir face au reste du corpus. Après un essai moins complet d’Ivor Bolton à Bâle, Jean-Luc Tingaud et ses Irlandais relèvent le gant.
La belle prise de son et l’acoustique du National Concert Hall de Dublin ajoutent à l’équilibre d’une balance fluide qui capture tous les sortilèges d’un orchestre où se sont invités bien des plumes. Louis Aubert, Henri Rabaud, Philippe Gaubert, mais surtout, et c’est une première au disque, Désiré-Emile Ingelbrecht qui amplifie à la formation symphonique le magister de Thème et Variations. Tout l’esprit de l’original y est incarné par la direction aussi subtile qu’éloquente du chef français.
C’est la battue légère et l’art du coloriste qui enchantent Masques et bergamasques, Julien Dran enlevant de son splendide ténor Clair de lune et ailleurs d’autres mélodies – il est étonnant dans Shylock -, qui distillent la poésie souvent trouble de Pelléas et Mélisande, au même degré de finesse psychologique qu’y appliquait jadis David Zinman à Rotterdam.
Les gestes plus saisissants des Djinns vaudront révélation pour ceux qui croient connaître tout de Fauré. Le seul mouvement achevé du Concerto pour violon, si soutenu par Pierre Fouchenneret et par l’orchestre, indique une direction abandonnée. Dommage pour la Fantaisie et la Ballade de piano qui sont absentes, dommage aussi de ne pas avoir tout Prométhée, peut-être de quoi penser à un quatrième album auquel on peut rêver !
LE DISQUE DU JOUR
Gabriel Fauré (1845-1924)
Pénélope – Prélude
Concerto pour violon en ré
mineur, Op. 14 (extrait : I. Allegro)
Berceuse, Op. 16 (version avec orchestre)
Élégie, Op. 24 (version avec
orchestre)
Romance en si bémol majeur, Op. 28 (version avec orchestre : Philippe Gaubert)
Fantaisie, Op. 79 (version avec orchestre : Louis Aubert)
Dolly, Op. 56 (version pour orchestre : Henri Rabaud)
Pierre Fouchenneret, violon
Martin Johnson, violoncelle
Catriona Ryan, flûte
National Symphony Orchestra of Ireland
Jean-Luc Tingaud, direction
Un album du label Naxos 8.574587
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Gabriel Fauré
Les Djinns, Op. 12 (version pour chœur et orchestre)*
Caligula, Op. 52 (version de concert)**
Thème et Variations en ut dièse mineur, Op. 73 (version pour orchestre : D.-É. Inghelbrecht)
Masques et bergamasques, Op. 112 (version intégrale pour la scène, avec voix)
Ruth Rosique, soprano – Tara Erraught, mezzo-soprano – Julien Dran, ténor – Benjamin Russell, baryton
National Symphony Chorus* & Orchestra of Ireland
**Chamber Choir Ireland
Jean-Luc Tingaud, direction
Un album du label Naxos 8.574647
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Gabriel Fauré
Pelléas et Mélisande – Suite, Op. 80
Pelléas et Mélisande, Op. 80 (extrait : La chanson de Mélisande ; version pour voix et orchestre : Charles Koechlin, seconde version)*
Prométhée, Op. 82 – Préludes des Actes I, II, III, Chœur, Scène* (versions préparées par
Roger-Ducasse)
En prière (version avec orchestre)*
La chanson du pêcheur, Op. 4 No. 1 (version avec orchestre)*
Les roses d’Ispahan, Op. 39 No. 4 (version avec orchestre)*
Tarentelle, duo, Op. 10 No. 2 (version avec orchestre : André Messager)**
Shylock – Suite, Op. 57***
*,**Tara Erraught, mezzo-soprano – **Ruth Rosique, soprano – ***Julien Dran, ténor
National Symphony Orchestra of Ireland
Chamber Choir Ireland
Jean-Luc Tingaud, direction
Un album du label Naxos 8.574619
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Photo à la une : le chef d’orchestre Jean-Luc Tingaud – Photo : © DR