Le plus allemand des Espagnols ? Né à Burgos – il ajoutera le nom de sa ville natale à son patronyme – et d’éducation strictement hispanique, études au Conservatoire de Bilbao puis à celui de Madrid – jeune-homme, il fera ses armes en dirigeant des zarzuelas avant finalement de venir dans le pays de ses parents pour travailler au côté de Kurt Eichhorn qui l’initie aux Romantiques allemands, de Mendelssohn à Bruckner.
Revenant en Espagne, et dirigeant sous l’œil bienveillant de Franco l’Orchestre National, occupant en somme l’estrade laissée vacante par le suicide d’Ataúlfo Argenta, il aura un autre port d’attache au long des années soixante et soixante-dix, Londres, fêté par le London Symphony Orchestra et le New Philharmonia Orchestra.
Decca lui ouvrit ses studios, en parallèle à Electrola, et Mendelssohn fut pour l’un et l’autre label la porte d’entrée. Pour l’étiquette rouge Paulus et Elijah, versions justement fêtées aussi pour leurs distributions (Fischer-Dieskau, Gedda, Hollweg, Donath, Baker, Schwarz) et demeurées indémodées. Pour Decca un fabuleux Songe d’une nuit d’été, perfection placée au même degré qu’une autre perfection, celle de Peter Maag, qui l’oblitéra. Dommage, la gravure est simplement fabuleuse, avec une merveilleuse Alfreda Hodgson.
Schumann avait précédé pour une Rhénane inspirée, sans lourdeur, emplie de paysages, le microsillon lui couplant en prémices l’Ouverture du Songe ! Un autre disque pour accompagner les Mendelssohn et Bruch du violoniste Ion Voicu, puis ce sera l’Espagne.
Fabuleux Amor brujo avec duende et une Nati Mistral composant une Candelas plus claire qu’à l’habitude, l’Intermezzo de Goyescas et deux ajouts du Ravel transpyrénéen, Pavane et Alborada, qui font regretter cette Rapsodie espagnole prévue mais abandonnée.
La balance claire de sa direction infuse jusque dans ses orchestrations de la Suite espagnole d’Albéniz (que n’a-t-il tenté Ibéria, alourdie par Arbos…) ; suivront uniquement des accompagnements pour Alicia de Larrocha (les Noches, historiques !, les Concertos de Montsalvatge, de Surinach, la Fantaisie de Fauré) et pour Narciso Yepes, dont deux fois les splendeurs des Tres gráficos de Maurice Ohana, coda d’une discographie trop mince dont la part allemande aurait gagné à être augmentée.
Elle le sera tardivement pour d’autres labels, l’Orchestre Symphonique du Danemark lui offrant toutes les Symphonies de Beethoven, l’Alpestre de Strauss, la Fantastiquede Berlioz, etc.
LE DISQUE DU JOUR
Rafael Frühbeck de Burgos, direction
The Decca Legacy
CD 1
Felix Mendelssohn Bartholdy (1809-1847)
A Midsummer Night’s Dream – Ouverture, Op. 21 & Musique de scène, Op. 61
Hanneke van Bork, soprano – Alfreda Hodgson, contralto – Ambrosian Singers – New Philharmonia Orchestra (1969)
CD 2
Felix Mendelssohn Bartholdy (1809-1847)
A Midsummer Night’s Dream – Ouverture, Op. 21
Robert Schumann (1810-1856)
Symphonie No. 3 en mi bémol majeur, Op. 97 « Rhénane »
London Symphony Orchestra (1965)
CD 3
Felix Mendelssohn Bartholdy (1809-1847)
Concerto pour violon et orchestre No. 2 en mi mineur, Op. 64
Max Bruch (1838-1920)
Concerto pour violon et orchestre No. 1 en sol mineur, Op. 26
Ion Voicou, violon – London Symphony Orchestra (1965)
CD 4
Manuel de Falla (1876-1946)
El amor brujo
Enrique Granados (1867-1916)
Goyescas, opéra – Intermezzo
Maurice Ravel (1875-1937)
Pavane pour une infante défunte, M. 19A
Alborada del gracioso, M. 43C
Nati Mistral, voix – New Philharmonia Orchestra (1968)
CD 5
Isaac Albéniz (1860-1909)
Suite española No. 1, Op. 47, T. 61 (extraits : Nos. 1-7 ; orchestration : Frühbeck de Burgos)
Córdoba (No. 4, extrait des « Chants d’Espagne, Op. 232, T. 101 » – orchestration : Frühbeck de Burgos)
New Philharmonia Orchestra (1968)
CD 6
Aram Khatchaturian (1903-1978)
Concerto pour piano et orchestre
César Franck (1822-1890)
Variations symphoniques, CFF 137
Alicia de Larrocha, piano – London Philharmonic Orchestra (1973)
Gabriel Fauré (1845-1924)
Fantaisie pour piano et orchestre, Op. 111
Alicia de Larrocha, piano – London Philharmonic Orchestra (1974)
CD 7
Xavier Montsalvatge (1912-2002)
Concerto breve
Carles Suriñach (1915-1997)
Concerto pour piano et orchestre
Alicia de Larrocha, piano – Royal Philharmonic Orchestra (1977)
CD 8
Manuel de Falla (1876-1946)
Noches en los jardines de España
Isaac Albéniz (1860-1909)
Rapsodia española, Op. 70, T. 16 (orchestration : Cristóbal Halffter)
Joaquín Turina (1882-1949)
Rapsodia sinfónica, Op. 66
Alicia de Larrocha, piano – London Philharmonic Orchestra (1984)
CD 9
Joaquín Rodrigo (1901-1999)
Fantasía para un gentilhombre
Maurice Ohana (1913-1992)
Tres gráficos
Narciso Yepes, guitare – Orquesta Nacional de España (1962)
CD 10
Salvador Bacarisse (1898-1963)
Concertino pour guitare et orchestre en la mineur
Federico Moreno Torroba (1891-1982)
Homenaje a la Seguidilla
Narciso Yepes, guitare – Orquesta Nacional de España (1965)
CD 11
Maurice Ohana (1913-1992)
Tres gráficos
Antonio Ruiz-Pipó (1934-1997)
Tablas
Narciso Yepes, guitare – Orquesta Nacional de España (DGG, 1976)
Un coffret de 11 CD du label Decca 4844628 (Collection « Eloquence Australia »)
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Photo à la une : le chef d’orchestre espagnol Rafael Frühbeck de Burgos – Photo : © DR