Hungarisme

Écoutez seulement comme Herbert Schuch s’approprie le Finale du Deuxième Concerto. Des tziganes y dansent, le clavier piaffe, les rythmes s’exaltent, et le piano sous ses doigts est un autre orchestre, ce que Tung-Chieh Chuang entend ; la fusion dans les contrastes, l’art d’être au plus près dans chaque repli, chaque éclat, et il y en a de nombreux, le pianiste réinterprétant considérablement au point que j’ai plus d’une fois la sensation d’une recréation.

L’alliage s’avérera au long des deux concertos plus d’une fois foudroyant. Puis, une pincée de plus de paprika, avec la Cinquième Danse hongroise où Gülru Ensari le rejoint pour faire résonner le cymbalum fantasmagorique qu’ensemble ils ajoutent. Génial!, au point qu’on voudrait par eux les vingt autres Danses.

Les paysages plus nordiques du Premier Concerto seront tout aussi saisissants, sans pour autant tirer au spectaculaire. Comme pour le concerto-ballade qu’est le Deuxième, Herbert Schuch sculpte le son et l’espace, après le maelström subtilement détaillé par les musiciens de l’Orchestre Symphonique de Bochum, il n’entrera pas droit comme William Kappell sous le feu roulant de Dimitri Mitropoulos, mais en phrasant.

Tout le mouvement abondera en surprises, saisissant cette poétique diffuse que tant auront survolée d’un geste impérieux : on reconnaît le musicien, qui veut d’abord chanter, jusque dans le plus ténu d’un Adagio apaisé, onde frisante à la surface d’un lac de haute montagne transformée en son, magique simplement. Le Rondo fusera, et à nouveau tout un imaginaire balkanique y éclatera, somptueux, enivrant, chant et danse mêlés, signe que cette nouvelle intégrale nous réinvente des opus qu’on croyait connaître.

LE DISQUE DU JOUR

Johannes Brahms (1833-1897)
Concerto pour piano et orchestre No. 1 en ré mineur, Op. 15
6 Klavierstücke, Op. 118 (extrait : No. 2. Intermezzo)
5 Lieder, Op. 49 (extrait : No. 4. Wiegenlied – version pour piano solo : Schuch, d’après les arrangements de Reger et Cortot)
Concerto pour piano et orchestre No. 2 en si bémol majeur, Op. 83
21 Danses hongroises, WoO 1 (extrait : No. 5 en fa dièse mineur – version originale à quatre mains)*
16 Valses, Op. 39 (extrait : No. 15 en la majeur – version originale à quatre mains)*
3 Intermezzos, Op. 117 (extrait : No. 1 en mi bémol majeur)

Herbert Schuch, piano
*Gürlu Ensari, piano
Bochumer Symphoniker
Tung-Chieh Chuang, direction

Un album du label naïve V8450
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Photo à la une : le pianiste Herbert Schuch – Photo : © Felix Broede