Saisissements

L’oreille se laisse surprendre dès les premières mesures de Rêveries : pas de vibrato, des accents d’une précision chirurgicale qui n’assèchent pas la fluidité du discours, ne réduisent pas la palette versicolore. Qui dirige ? Sir John Eliot Gardiner ? Quelle formation ? L’Orchestre Révolutionnaire et Romantique ? Non, Klaus Mäkelä et l’Orchestre de Paris, preuve que la révolution des interprétations historiquement informées s’est définitivement instillée dans l’art de certains chefs de la nouvelle génération.

Démarche évidemment passionnante. Elle révèle une fois de plus la maîtrise de ce jeune homme qui sait imprimer sa vision aussi bien à Mahler qu’à Berlioz sans en nier l’essence. Sa Fantastique se révèle plus fabuleuse encore que fantasmagorique.

Le Bal est empoisonné, la Scène aux champs risque de vous faire manquer de respirer, l’oxygène est en si raréfié, les deux marches sont terrifiantes à force de contrôle, en somme l’envers du fameux disque de Charles Munch avec les aînés des mêmes, où les brides étaient lâchées, et le spectacle total.

Ici on entre dans une partition dont toutes les reprises sont faites, ou chaque détail jaillit, sacrant les audaces d’une langue trop souvent sacrifiée aux effets. Fascinant, tout comme La Valse de Ravel, couplage qui peut paraître incongru sur le papier mais s’éclaire à l’écoute : cet orchestre si composé ne doit-il pas une part de ses audaces aux expérimentations de Berlioz, suggestion qui peut se discuter, mais pas le vertige commun qui emplit les deux opus de cet album frôlé par l’aile d’un génie.

LE DISQUE DU JOUR

Hector Berlioz (1803-1869)
Symphonie fantastique,
Op. 14, H 48

Maurice Ravel (1875-1937)
La Valse, M. 72

Orchestre de Paris
Klaus Mäkelä, direction

Un album du label Decca 4870959
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Photo à la une : le chef d’orchestre Klaus Mäkelä –
Photo : © Marco Broggreve