Altitude

La pure beauté du son suffirait, ce piano ample qui chante dans tous ses registres, dont les marteaux semblent absents, les couleurs profondes, l’ampleur des lignes, ne seraient pas si éloquents sans cet art de phraser qui entend habiter le temps musical quitte à en user avec une vraie liberté.

Les ritardandos qui démasquent les harmonies complexes, les suspensions où se savourent les mélodies et les motifs, tout un art du rubato qu’on croyait interdit reparaît dans le jeu de Benjamin Grosvenor qui en renouvelle les arcanes ; il ne servira pas de prétexte au pathos, au contraire élèvera le discours, l’illuminera de l’intérieur.

Les audaces de la Sonate en si bémol mineur en seront magnifiées, le cadre plus classique de celle en de la Sonate en si mineur évidemment au diapason d’une telle conception, le pianiste guipant la forme dans une émotion d’autant plus intense qu’il la pare d’une sorte de mise à distance.

Cette manière va plus loin encore dans les quatre pièces libres qui espacent les Sonates, la Première Ballade surprend aussi par son récit, le presque-rien de son de la Berceuse, égrené, fait un peu penser aux songes vénitiens de Liszt, en rien un contresens, les deux Nocturnes, pris sans traîner, inventent un bel canto avec personnages, fabuleux simplement, à l’image de tout l’album.

LE DISQUE DU JOUR

Frédéric Chopin (1810-1849)
Sonate pour piano No. 2
en si bémol mineur, Op. 35
« Funèbre »

Berceuse en ré bémol majeur, Op. 57
Ballade No. 1 en sol mineur, Op. 23
2 Nocturnes, Op. 55
Sonate pour piano No. 3
en si mineur, Op. 58

Benjamin Grosvenor, piano

Un album du label Decca Classics 4870958
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Photo à la une : le pianiste Benjamin Grosvenor –
Photo : © Marco Borggreve