Pudeur

On pourra trouver l’entrée d’Alexandre Tharaud trop discrète dans le Concerto « Jeunehomme », deux phrases formées courtes, très claires, factuelles. Une exposition… Mais attendez, le revoici, trillant piano, cherchant l’ombre, la douceur, presqu’une forme de renoncement.

Tharaud joue son Jeunehomme de l’intérieur, avec cette couleur de lune pâle qui n’est qu’à son clavier, un ton de confidence esquissée ; rien qui affirme, tout qui, sous la simplicité de la ligne, interroge de fait.

On ne reviendra pas sur ce toucher magique, comme en apesanteur, qui nous fait irrésistiblement pensé à celui d’Ingrid Haebler dans la même œuvre. Mais sur le sens, il faut dire un mot. Pour Tharaud le cœur secret – et douloureux – du concerto est ce sombre AndantinoMozart délivre une de ses phrases les plus intimes, si intime qu’elle en est quasi mutique. Un presque rien. On touche enfin cette qualité de silence à travers la musique. C’est pour tout dire assez bouleversant. Et très loin de ce que font quasiment tous ses confrères dans Mozart aujourd’hui. Finale alerte, avec quelques pincées d’humour, rire jamais trop loin des larmes.

Alexandre Tharaud met au Rondo en la majeur la tendresse qu’on ne lui voit pas assez souvent, et dans son dialogue avec Joyce DiDonato pour Ch’io mi scordi di te, un effacement qui cherche la poésie. Un piano ? Non un chanteur qui murmure à l’oreille d’une chanteuse. Magique, avec cette pointe de nostalgie qui ne veut même pas céder devant la lumière du Concerto en ré majeur de Haydn, compagnon de longue date du pianiste.

Orchestre tendre et léger, attentif et lyrique : Les Violons du Roy et Bernard Labadie sont devenus avec les années un ensemble de chambre où le piano d’Alexandre Tharaud refuse d’être soliste. Il chante avec eux. Cette nouvelle échappée canadienne livre encore ses secrets de lyrisme et de tendresse. Et maintenant, Erato nous doit ce qui était promis : les Concertos de Ravel.

LE DISQUE DU JOUR

cover mozart tharaud erato Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Concerto pour piano No. 9 en mi bémol majeur, KV 271 « Jeunehomme »
Rondo pour piano et orchestre en la majeur, KV 386
Aria de concert, pour soprano, « Ch’io mi scordi di te? », KV 505
Franz Joseph Haydn (1732-1809)
Concerto pour clavier en ré majeur, Hob. XIII:11

Alexandre Tharaud, piano
Joyce DiDonato, mezzo-soprano
Les Violons du Roi
Bernard Labadie, direction

Un album du label Erato 4626240

Photo à la une : (c) 2010 Marco Borggreve