Le Pays des Modernes

On n’y songe jamais assez, mais la Pologne fut dès l’orée du XXe siècle une terre d’avant-garde, et d’abord pour la musique. Karol Szymanowski en fut l’alpha, réalisant toutes les synthèses possibles – l’Occident et l’Orient, la France et l’Allemagne, l’art savant et les musiques ethniques – réunissant l’ensemble dans un langage saisissant par sa singularité et qui capturait dans son cosmos cosmopolite une nostalgie toute polonaise.

C’est chez lui, avec ses Chants du Muezzin, Op. 42, que l’encyclopédie publiée par PWN Edition tire ses premiers feux : nous sommes en 1918, la Pologne a proclamé son indépendance, et l’éditeur a pensé son ouvrage d’art pour célébrer en 2018 un centenaire souvent bousculé par les vicissitudes de l’Histoire.

Chaque année sera illustrée par une œuvre, chaque décennie par un cahier qui les présentera et les commentera, affichera les biographies des compositeurs et quelques pages de leurs musiques, le tout en anglais. L’ensemble vient dans une forte boîte que j’aurai parcourue inlassablement tout cet automne, me confortant dans des œuvres que je connais et les retrouvant dans des interprétations choisies, comme par exemple Le Roi Roger de Szymanowski de Jacek Kasprzyk qui affiche dans le rôle-titre le magnifique Wojtek Drabowicz, disparu bien trop tôt dans un accident de voiture : je le vois encore à l’Opéra de Lyon campant son Eugene Oneguine plein de morgue.

Bref, cette boîte magique n’en finit pas de me faire découvrir des partitions dont je ne savais rien, et parfois même des compositeurs. Je ne prendrais qu’un seul exemple : Eugeniusz Morawski dont le ballet Swietezianka est d’une puissance suggestive, d’un orchestre barbare et d’une qualité d’écriture qui n’ont rien à envier à celles du Béla Bartók du Mandarin merveilleux.

L’éditeur a commandé quantité de nouveaux enregistrements où brille la fine fleur des interprètes polonais, Łukasz Borowicz en tête, et pris dans les catalogues des labels nationaux des gravures de toute première force, comme l’enregistrement princeps de la Passion selon Saint-Luc de Krzysztof Penderecki dirigée par Henryk Czyż.

Cette somme luxueusement éditée est unique dans le domaine de l’édition phonographique, et indispensable pour qui s’intéresse à l’Histoire de la musique au XXe siècle.

LE DISQUE DU JOUR

100 for 100
1918-2018

Un coffret de 36 CD et 11 cahiers biographiques, assortis de reproductions de partitions et d’une abondante iconographie du label Anaklasis/PWN Edition 9788322451298
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Photo à la une : le pont Sobieski de Varsovie, avec la statue équestre, 1918 – Photo : © DR