Le couvent et l’atelier

L’Eglise d’abord. Jean-Luc Ho modère son orgue pour le faire mieux dire, comme un prêtre au sermon, ce clavier parle et fait entendre aussi toute la singularité du style de Couperin dans la longue théorie des orgues de messe. La clarté des proclamations, que redoublent les plain-chants, le sens des commentaires, les musiques de simples usages cérémoniels me semblent mieux incarnées sur l’orgue de Saint-Michel en Thiérache dont les couleurs sont plus tranchées.

La même palette très Grand Siècle se retrouve dans le roide Antoine Vater que touche Bertrand Cuiller pour le Second Ordre, mais l’âpreté de l’instrument ne décourage pas le claveciniste d’y incarner le théâtre de Couperin, l’astringence des timbres rendant plus saillants encore les portraits de ce petit monde que même Chardin n’eut pu ranger avec son pinceau.

C’est la vie qui éclate dans cet instrument surprenant où les visages croqués par Couperin paraissent comme dans un théâtre, babillant leurs notes inégales, dansant, se parlant, jamais François n’avait été aussi vivant, aussi proche depuis les impertinences de Blandine Verlet, et avant elle, depuis les temps héroïques de Wanda Landowska et de Ruggero Gerlin. Comme avec eux j’ai le sentiment, guidé par Bertrand Cuiller, d’entrer dans l’atelier de musique de François Couperin.

LE DISQUE DU JOUR

François Couperin – L’Alchimiste
Vol. 2 : Les Années de jeunesse

François Couperin (1668-1733)
Premier Livre de pièces de clavecin, Ordres 1 & 2
Messe propre pour les convents de religieux et religieuses
Messe à l’usage ordinaire des Paroisses
François Cosset (1610-1673)
Benedictus à 3 voix (extrait de la « Messe Exultate Deo »)

Jean-Luc Ho, orgue
Bertrand Cuiller, clavecin
Les Meslanges

Un album de 3 CD du label harmonia mundi HMM 902377.79
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Photo à la une : le claveciniste Bertrand Cuiller – Photo : © DR