Manteau de nuit

1973. À l’Opéra de Munich, on avait déjà coutume de donner le répertoire italien dans la langue originale, Sawallisch s’y employait, mais pour ce Tabarro, cédant au souhait de Günther Rennert, il en resta à la version allemande assez habile signée par Alfred Brüggemann.

L’ouvrage avait d’ailleurs fait dans cette traduction une belle carrière dans les pays germaniques, Munich pouvait y réunir une vraie équipe autour du Michele ombrageux de Dietrich Fischer-Dieskau, dont la Giorgetta de Júlia Várady était, comme l’exige Puccini, sa cadette de plus de vingt ans.

Cette véracité des âges et des caractères donne un relief supplémentaire au réalisme (qui n’est pas vérisme) de Puccini, Sawallisch faisant son miel de ce qui est sans doute le plus subtil orchestre qu’ait brossé le compositeur de Tosca, Seine brumeuse, cornes lointaines sur le fleuve, échos de limonaire, à quoi se superpose les couleurs d’un drame piqué de caractères saisissants : quelle Frugola campe en deux mots l’extraordinaire Hertha Töpper (qui vient de nous quitter), quel Luigi ardent et frustre dessine de sa grande voix rapace Róbert Ilosfalvy.

Le drame se noue, inexorable ; à mesure qu’il se déroule, tout devient irrémédiablement sombre jusqu’à l’assassinat de Luigi, Sawallisch précipitant son orchestre dans un geste effrayant où Dietrich Fischer-Dieskau rugit son meurtre.

Les derniers échanges, spectraux, entre Marcello et Giorgetta, sont pénétrés par un sentiment de terreur, Sawallisch retenant l’orchestre jusqu’à l’ouverture de la houppelande découvrant le cadavre de Luigi.

Il faudrait qu’Orfeo documente systématiquement les années de Sawallisch à l’Opéra de Munich, la reprise en italien de ce Tabarro, le Falstaff de Verdi, le Rosenkavalier et l’Arabella avec les prises de rôle de Lucia Popp, il y a tant de merveilles qui dorment.

LE DISQUE DU JOUR

Giacomo Puccini
(1858-1924)
Il Tabarro (chanté en allemand)

Dietrich Fischer-Dieskau, baryton (Marcel / Michele)
Róbert Ilosfalvy, ténor
(Henri / Luigi)
Friedrich Lenz, ténor
(Le docker)
Kieth Engen, basse (Maulwurf / Talpa)
Júlia Várady, soprano (Georgette / Giorgetta)
Hertha Töpper, contralto (Frettchen / La Frugola)
Willi Brokmeier, ténor (Le chansonnier)
Doris Linse, soprano et Hans Grotz, ténor (Les deux amants)

Chor und Orchester der Bayerischen Staatsoper
Wolfgang Sawallisch, direction

Un album du label Orfeo C463971B
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Photo à la une : la soprano Júlia Várady et le baryton Dietrich Fischer-Dieskau – Photo : © DR