Romantique ?

Les puristes enrageront, et ceux qui ne le sont guère aussi. Dans un dolce avec ritardendi, Ewa Pobłocka endort le Prélude qui ouvre ce Premier Livre puis fait cavaler la Fugue avant de la finir alargando. Le son du Kawai n’est pas agréable, son jeu non plus, il n’a cure de l’être. Elle joue son Bach comme elle le voit, disparate, contradictoire, objectif soudain, soudain romantique … si ce n’est pas vouloir perdre une bonne fois pour toute son auditeur !

Mais à mesure que le Livre se déploie, j’écoute pourtant, je me laisse gagner par ce ton tour à tour lumineux ou revêche, ces préludes qui dansent comme des gigues, ces fugues alertes et un peu moqueuses, le geste est toujours surprenant, et ce piano clair, qui parfois évoque un orgue positif, déconcertant.

Et puis soudain, cette poésie comme perdue que vient triller un rossignol de crépuscule : le Prélude en fa dièse mineur, merveille qui semble soudain venue d’un autre monde.

Je crois bien qu’il me faudra encore quelques écoutes pour entendre ce que cette pianiste de première force, dont les Chopin, les Field étaient déjà si singuliers, propose ici. En tous cas, elle ne me laisse pas indifférent.

LE DISQUE DU JOUR

Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Das wohltemperierte Klavier, Livre I, BWV 846-869 (Intégrale)

Ewa Pobłocka, piano

Un album de 2 CD du label Institut Chopin de Varsovie NIFCCD062-063
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Photo à la une : la pianiste Ewa Pobłocka – Photo : © DR