Polyglotte

Je croyais un récital français, j’avais vu vite Duparc affiché, le disque s’ouvre sur une Invitation au voyage comme venue d’un autre temps, piano de soie, murmurando opiacé, texte comme un parfum où la voix tremble juste ce qu’il faut. Ce pourrait être d’une chanteuse d’hier. Mais après que les soleils couchants se sont éteints dans le poudroiement du piano de Jonathan Ware, soudain Frühling.

Ah, mais les Vier letzte Lieder avec le seul clavier, peu les ont osés, Welitsch la première, avec une gourmandise sensuelle, quelque chose d’inapaisé qui vous les change à jamais, puis Barbara Bonney parfaite mais à laquelle l’orchestre manque quand même.

Pour Elsa Dreisig, l’orchestre serait peut-être trop, mais ainsi, dans l’habillage léger d’un piano vif, tout coule, fluide, doré, élégant. Belle idée d’ajouter Morgen en final, mais surtout à ces Vier letzte Lieder, dispersés dans l’album, Malven, le cinquième des Quatre derniers (cahier dont le titre d’ailleurs est apocryphe, inventé par l’éditeur).

La soprano n’en restera pas à l’allemand et au français, elle ajoutera le russe de quelques Rachmaninov (ses Marguerites sont très belles, sa Nuit au jardin dite comme on lit une lettre, bien vu !), mais c’est Duparc qui est vrai le fil rouge, toujours singulier et plus encore en de tels voisinages : il faut entendre quel abandon, quelle lassitude elle met à La vie antérieure, à Chanson triste, à Extase, me faisant regretter qu’elle n’ait pas gravés toutes les mélodies, et pester que tant de plumes aient médit d’un disque aussi osé.

LE DISQUE DU JOUR

Henri Duparc (1848-1933)
L’Invitation au voyage
Phidylé
Sérénade florentine
Chanson triste
Extase
La Vie antérieure
Aux étoiles (pour piano seul)
Sergei Rachmaninov
(1873-1943)
6 Romances, Op. 38 (I. Nuit dans mon jardin, II. À Elle, III. Marguerites, IV. Le joueur de flûte, V. Rêve, VI. A-u!)
Étude-Tableau en ut majeur, Op. 33 No. 2
Richard Strauss (1864-1949)
Vier letzte Lieder, Op. 150, TrV 296
Malven, TrV 297
Morgen, Op. 27 (TrV 170) No. 4
5 Klavierstücke, Op. 3, TrV 105 (extrait : I. Andante)/em>

Elsa Dreisig, soprano
Jonathan Ware, piano

Un album du label Warner Classics 0190295319489
Acheter l’album sur Amazon.fr – Télécharger ou écouter l’album en haute-définition sur Qobuz.com

Photo à la une : la soprano Elsa Dreisig – Photo : © DR