Le modèle et le peintre

Décrire où évoquer ? Bernhard Forck et son Akademie für Alte Musik Berlin mettent en regard l’un et l’autre. Grand sujet du romantisme à ses débuts, chez Mozart déjà, la Nature devint son obsession. Mais pour la connaître, il fallait la donner à voir, ce que Justin Heinrich Knecht démontra dès la déclaration d’intention avouée dans le titre même de sa Grande Simphonie : « Le portrait musical de la Nature ». Tout y est, oiseaux et tempête (et tempête d’ailleurs plus « bruits de guerre » qu’orage, plus canon que tonnerre), et il faut entendre avec quelle alacrité les Berlinois montrent tout cela, et font entendre en même temps les styles mêlés, le concert de goûts étrangers venus de France, d’Italie, de Bohème, qui font le vrai sel de la pièce.

Mais pour le malheur posthume de la Simphonie de Knecht, Beethoven écrivait en même temps (1806-1807) l’écho de ses rêveries de promeneur solitaire passées dans la décantation du filtre musical de son esprit. Décrire ? Non, peindre tout le tableau, les détails dans le paysage d’abord, unifier, fondre, non pas voir, mais faire voir.

Le moment, historique, où l’artiste s’interpose entre le paysage et celui qui le regarde pour le lui imposer dans sa vraie réalité, non pas vue, mais ressentie, la victoire de la subjectivité une bonne fois pour toute.

La démonstration est faite, gagnée si je puis écrire ainsi. Mais la Pastorale de Bernhard Forck et de son orchestre n’est pas là pour prouver le saut de géant que Beethoven aura fait accomplir à la musique savante d’Occident ; non, elle proclame des paysages, elle baguenaude l’auditeur dans des haies vives, des halliers, le mouille au ruisseau, l’exalte par la foudre et le tonnerre, l’invente héros romantique, et apporte peut-être la pierre finale du long chemin vers le vrai visage des symphonies de Beethoven entrepris depuis celui inventé par Michael Tilson Thomas et l’English Chamber Orchestra. Vite, la suite.

LE DISQUE DU JOUR


Justin Heinrich Knecht (1752-1817)
Le Portrait musical de la Nature ou Grande Simphonie en sol majeur
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Symphonie No. 6 en fa majeur, Op. 68 « Pastorale »

Akademie für Alte Musik Berlin
Bernhard Forck, direction

Un album du label harmonia mundi HMM902425
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Photo à la une : le chef d’orchestre Bernhard Forck – Photo : © Adam Walanus