Le cerveau du poète

Une maison de poupée à la grandeur de la scène, les pièces en coupe, décor unique pour tous les contes. Très vite, on comprend que cette maison imaginaire est toute entière enclose dans l’imaginaire d’Hoffmann, que tous ses personnages et ses actions sont le fruit de ses délires, son cerveau à partition ouverte, idée assez géniale qui fait du poète, non pas l’objet de l’opéra, mais l’opéra lui-même.

Cela aurait pu s’épuiser au cours des actes, j’aurai pu regretter Venise, la taverne, l’atelier de bricoleur de Spalanzani, mais non, Tobias Kratzer réussit son pari, tout le monde habillé comme aujourd’hui pour une histoire immortelle. Le noir et blanc ambiant, les éclairages stupéfiants, le jeu si réaliste, tout vous tient en haleine, aidé par une captation habile.

Et quelle distribution !, John Osborn dardant les aigus de son Hoffmann ivre, déchu et magnifique à la fois, les rôles noirs portés avec superbe par Erwin Schrott qui mortifie son chant jusqu’au malcanto (j’en connais qui vont regretter Van Dam, moi itou) pour le faire plus satanique encore (quel Docteur Miracle effarant), l’Antonia toutes voiles dehors d’Ermonela Jaho, merveille absolue qui ne surveille pourtant pas assez son français, la Giulietta dangereuse de Christine Rice, l’Olympia détraquée de Nina Minasyan, et la Muse si inspirée d’Irene Roberts, chant modeste, timbre bienveillant), dans les silhouettes le Schlémil de luxe de François Lis, le Luther et le Crespel de Paul Gay, le Spalanzani de Rodolphe Briand, l’impayable Sunnyboy Dladla en valets divers, tous nous font une saisissante soirée cravachée par la baguette expressionniste de Carlo Rizzi qui sait évoquer par instants l’esprit de l’opéra-comique comme autant de regrets d’un paradis perdu.

Contes singuliers, qu’il ne faut pas manquer !

LE DISQUE DU JOUR

Jacques Offenbach (1819-1880)
Les Contes d’Hoffmann

Nina Minasyan, soprano (Olympia)
Ermonela Jaho, soprano (Antonia)
Christine Rice, mezzo-soprano (Giulietta)
Irene Roberts, mezzo-soprano (La Muse)
John Osborn, ténor (Hoffmann)
Eva Kroon, mezzo-soprano (La Voix de la Tombe)
Erwin Schrott, baryton-basse (Lindorf, Coppélius, Docteur Miracle, Dapertutto)
Rodophe Briand, comédien (Spalanzani)
Paul Gay, baryton-basse (Luther, Crespel)
François Lis, basse (Peter Schlémil)
Sunnyboy Dladla, ténor (Andrès, Cochenille, Frantz, Pitichinaccio)
Mark Omvlee, ténor (Nathanaël)
Frederik Bergman, baryton-basse (Hermann)
Alexander de Jong, baryton (Wilhelm)
Peter Arink, baryton (Le capitaine des sbires)

Choeur de l’Opéra National des Pays-Bas
Orchestre Philharmonique de Rotterdam
Carlo Rizzi, direction
Tobias Kratzer, mise en scène

Un coffret de 2 DVD du label DVD C Major Entertainement 752808
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Photo à la une : © DR