Nostalgies

Alexandre Tharaud, réinventant au piano Rameau puis Couperin, fondait son clavier svelte dans celui de Marcelle Meyer qui, dès le 78 tours, les avait osés sur ses Gaveau, ses Erard, ses Pleyel. Tout un monde onirique que le petit prince du piano français retrouvait alors.

Quel singulier voyage en retour il nous offre aujourd’hui, voyant son Versailles du côté ombreux. Tout s’y teinte de nostalgie, jusqu’au Rappel des oiseaux qui file dans des teintes cendrées. Du reste, le Prélude de Rameau, si sombre, prévenait que cette fois le Grand Siècle mettrait jusque chez les musiciens de Louis XV sa majesté inquiète, sa mesure. Les D’Anglebert qui ponctuent l’album, accordés à Lully ou pas, font un singulier théâtre du sentiment où les trilles sont des états d’âme, et jusque à la Fugue grave, qui résonne comme un Tombeau.

Alors la Marche pour la cérémonie des Turcs du Bourgeois gentilhomme (que Tharaud adapte avec un plaisir audible), le Viens, Hymen de Phani où resplendit le timbre de Sabine Devieuilhe, beau comme une prière, Les SauvagesJustin Taylor abandonne son clavecin pour venir batailler à piano égal avec le maître des lieux, feront des contrepoints saillants, mais pourtant la nostalgie, le ton secret, la poésie de presque-rien de cet album questionneur referment vite ces échappées belles.

Ce Versailles est tout en noir. Dommage qu’au disque Alexandre Tharaud n’ait pas ajouté le bis qu’il offre au concert, cet autre Versailles, celui du Rossignol éperdu de Reynaldo Hahn.

LE DISQUE DU JOUR

Versailles

Pièces de Jean-Philippe Rameau, Robert de Visée, Pancrace Royer, Jean-Henry D’Anglebert, François Couperin, Jean-Baptiste Lully, Jacques Duphly et Claude Balbastre

Alexandre Tharaud, piano
Sabine Devieilhe, soprano
Justin Taylor, clavecin

Un album du label Erato 01902956286429
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Photo à la une : le pianiste Alexandre Tharaud – Photo : © DR