Tragédie

Voici peu, j’encensais le Kullervo épique que Thomas Dausgaard faisait paraître chez Hyperion, voici celui, placé à ses antipodes, d’Hannu Lintu, enregistré avec les forces de Radio Finlandaise et les membres masculins du Chœur National d’Estonie, habitués de l’œuvre.

Hannu Lintu refuse l’exaltation, il distille tout un univers de couleurs subtiles, impose une souplesse fluide aux ostinatos comme aux scansions, allège les textures, éclaire les recoins les plus sombres de cet orchestre, c’est assez admirable en soi, d’autant que la tension monte à mesure que l’on progresse dans la partition pour parvenir à son acmé dans la grande scène centrale où Kullervo et sa sœur vont commettre l’irréparable. Johanna Rusanen n’a pas l’autorité et la stupeur d’Helena Juntunen, et Ville Rusanen le tranchant de nombre de ses confrères finlandais, mais Hannu Lintu conduit le tout dans un ton de tragédie antique dont l’orchestre serait le premier personnage.

Son ultime mouvement, La Mort de Kullervo, est spectral, terrible par son économie même d’expression.

Et si Lintu entendait déjà dans la fresque du jeune Sibelius le langage épuré de la Quatrième Symphonie ? Après le geste âpre de Thomas Dausgaard, cette nouvelle proposition renforce encore les pouvoirs de cette œuvre décisive, en attendant la prochaine proposition de Santtu-Matias Rouvali et de son Orchestre Symphonique de Göteborg.

LE DISQUE DU JOUR

Jean Sibelius (1865-1957)
Kullervo, Op. 7

Johanna Rusanen, soprano
Ville Rusanen, baryton
Estonian National Male Choir
The Polytech Choir
Finnish Radio Symphony Orchestra
Hannu Lintu, direction

Un album du label Ondine ODE 1338-5
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Photo à la une : Akseli Gallen-Kallela, The Log Floater (1923) – Photo : © DR