Tremblement de terre

Jusque-là, on connaissait la 9e Symphonie de Bruckner selon Evgeni Mravinsky dans un enregistrement glaçant et crépusculaire datant de 1980. Expérience fascinante qui a ses inconditionnels mais qui me laissait dubitatif : l’orchestre n’était plus dans ses meilleures années, le geste même de Mravinsky me semblait univoque, rien de l’immensité de ses Septième et Huitième Symphonies ne se retrouvait dans cette exécution fermée à double tour.

Mais voilà qu’Yves Saint-Laurent révèle ce concert du 28 février 1968. La prise de son est autrement somptueuse qu’en 1980 (un frigidaire), l’Orchestre Philharmonique de Leningrad au sommet de son art, avec un quatuor imbattable, probablement le plus beau au monde alors. Et quel voyage !, Mravinsky osant des rubatos, des portamenti, des accents qui font mentir sa réputation de chef implacable. Et comme cela chante tout au long du premier mouvement, Feierlich absolument.

Scherzo fou, d’une précision diabolique, avec quelque chose d’acéré, de ricanant dans les pizzicatos des violons, d’abrupt dans le Trio où une flûte folle persifle. Il fallait cette danse des morts pour libérer un Adagio éperdu, immense, où Mravinsky et ses musiciens passent de l’autre côté du miroir. Comment une interprétation aussi prodigieuse a-t-elle pu rester jusqu’ici inédite ?

LE DISQUE DU JOUR

Anton Bruckner (1824-1896)
Symphonie No. 9 en ré mineur, WAB 109

Orchestre Philharmonique de Leningrad
Evgeny Mravinsky, direction
Concert enregistré le 29 février 1968

Un album du label St. Laurent Studio YSL-T787
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Photo à la une : le chef d’orchestre Evgeny Mravinsky – Photo : © DR