Le compositeur au pinceau

Plage 6 : une passacaille de théorbe, de harpe et de clavecin murmure, portant une longue mélodie sinueuse, inoubliable dès qu’on l’a entendue, surtout dans le contralto androgyne de Lucile Richardot et dans l’habillage de nuit avec étoiles – miroitement des cordes pincées – dont la revêtent Sébastien Daucé et ses musiciens de l’Ensemble Correspondances.

No More Shall Meads vous donnera envie d’en savoir plus sur Nicholas Lanier dont le célèbre portrait par Van Dyck orne le recto du livret de ce très beau disque. Peintre lui-même, descendant d’une famille huguenote réfugiée en Albion auprès de Charles Ier qui le chargera d’assembler sa collections de peintures, le dépêchant en Europe mais surtout en Italie dont il ramena les trésors artistiques des Gonzague de Mantoue et les mœurs musicales du pays, Lanier est quasi oublié aujourd’hui, mais évidemment vous voudrez entendre davantage de sa musique magnifique.

Le chanteur Paul Agnew – Photo : © Oscar Ortega

Trouvez donc l’album monographique que lui avaient consacré il y a vingt ans Paul Agnew et le théorbe de Christopher Wilson. Ils y ont assemblé tous les airs écrits pour le « mask » Hero & Leander. À nouveau ce génie de la mélodie inoubliable, cette pureté troublante des sentiments distillés avec un art confondant par le ténor dans ce qui est un de ses plus beaux disques, et l’un de ses moins courus.

Si le bref « ayre » de Nicholas Lanier est la perle de l’album de Lucile Richardot et de Sebastien Daucé, comment ne pas céder aux autres trésors de ce disque qui accumule les raretés. Chacun des vingt morceaux vous transportera dans ce paradis entre mélancolie et colère, où le timbre sombre, les mots ardents de la contralto emploient leur art avec une éloquence certaine. Et quel saisissement à l’écoute de How not, you ghosts and furies de Robert Ramsey, imploration d’Orphée au bord du Léthé où lui répondent Pluton et Proserpine. Cette plongée dans l’Angleterre de 1610 est un vrai voyage qu’on ne veut voir cesser.

LE DISQUE DU JOUR

Perpetual Night
17th Century Ayres and Songs

Robert Johnson (1583-1633)
Care-charming sleep
William Lawes (1602-1645)
Whiles I this standing lake
Music, the master of thy art is dead
Britanocles the great and good appears
John Coprario (ca. 1570-1626)
Go, happy man
Robert Ramsey (1590-1644)
What tears, dear Prince, can serve
Go, perjured man
Howl not, you ghosts and furies
Nicholas Lanier (1588-1666)
No more shall meads
John Jenkins (1592-1678)
Pavane en fa majeur
John Banister (1624/25-1679)
Give me my lute
Amintas, that true hearted swain
William Webb (ca. 1600-1657)
Powerful Morpheus, let thy charms
John Hilton (1599-1657)
Rise, princely shepherd
James Hart (1647-1718)
Adieu to the pleasures
John Blow (1649-1708)
Poor Celadon, he sighs in vain (Loving above himself)
Amphion Anglicus (extrait : Epilogue « Sing, sing, Ye Muses”)
Matthew Locke (1621-1677)
Little Consort of 3 Parts, Suite III (extrait : IV. Saraband)
Henry Purcell (1659-1695)
When Orpheus sang
John Jackson (-1688)
Phillis, oh! turn that face

Lucile Richardot, mezzo-soprano
Ensemble Correspondances
Sébastien Daucé, direction
Un album du label harmonia mundi HMM902269
Acheter l’album sur le site du label harmonia mundi ou sur Amazon.fr – Télécharger ou écouter l’album en haute-définition sur Qobuz.com

Nicholas Lanier (1588-1666)
Songs from “Hero & Leander »

Paul Agnew, ténor
Christopher Wilson, théorbe, luth
Un album du label Metronome METCD1027
Acheter l’album sur le site du label Metronome ou sur Amazon.fr

Photo à la une : la mezzo-soprano Lucile Richardot – Photo : © DR