Renée Fleming, une voix superlative

Renée Fleming est une des plus grandes chanteuses actuelles. Américaine éclectique, qui n’hésite pas à chanter du jazz ou le répertoire de la comédie musicale (elle chante en langage elfe dans Le Seigneur des anneaux), elle est avant tout spécialiste des répertoires straussiens et mozartiens. Elle rappelle, par sa voix, sa pureté, son timbre, et son répertoire, la grande Elisabeth Schwarzkopf. Pour ceux qui n’ont pas encore vu Le Chevalier à la rose de Strauss, commenté aussi dans cette rubrique (cliquez-ici pour lire la chronique), qu’elle irradiait de sa beauté, ce DVD récital, qui existe aussi en Blu-Ray avec une image d’une inimaginable perfection, sera une excellente introduction.

Le programme tout d’abord est superbe. À coté de trois tubes de Puccini (Mimì, Liú, Lauretta), on trouve l’air à la lune de Rusalka de Dvořák, où elle fait référence, puis du Korngold, ou encore du Leoncavallo. Et surtout, toute la scène finale de Capriccio de Strauss, un sommet de l’histoire de l’opéra. Malgré la période trouble de composition de cet opéra (1942), Capriccio est considéré comme une œuvre emblématique de Richard Strauss : par son thème tout d’abord, l’éternel débat sur la préséance ou non de la musique sur la parole (« prima la parola, e piu la musica ») dans le genre de l’opéra, débat qui hante toute l’approche opératique de Strauss, débat bien futile à une époque où l’Allemagne – phare artistique et philosophique – avait sombré dans l’horreur. Emblématique aussi par cette dernière scène, où la soprano reste en scène durant vingt minutes, accompagnée d’une musique sublime, pour exprimer, comme à la fin du Chevalier à la rose, sa nostalgie d’une époque révolue.

L’interprétation de l’ensemble, on s’en doute, est superlative. La voix de la soprano est à la fois chaude et brillante, et elle est très émouvante et sensuelle. La prononciation est bien sûr plus naturelle en allemand qu’en italien, mais on retrouve chaque fois l’atmosphère différente de chacun des opéras, la tragédie de chacune des héroïnes.

Enregistré en plein air, à la Waldbühne, ce concert est donc sonorisé. Cela permet à René Fleming de ne jamais forcer sa voix, de donner une impression de facilité et de souvent à peine ouvrir la bouche pour émettre les sons pourtant les plus émouvants. Renée Fleming fait peu à peu ses adieux à tous ces rôles qu’elle a marqués, ce récital est donc un témoignage indispensable.

Comme dans tout récital, les airs sont alternés avec des morceaux purement orchestraux qui permettent à la chanteuse de reposer sa voix. Ici, les pièces orchestrales ne sont pas du tout des bouche-trous, jugez plutôt : Une nuit sur le Mont Chauve, l’Ouverture de Rienzi de Wagner, Roméo et Juliette de Tchaikovski. Et tout ça par le Philharmonique de Berlin ! Le chef Ion Marin est excellent et très efficace, tout à fait au niveau musical de la soliste.

Ajoutons un mot sur l’image, exceptionnelle, sans doute un de mes plus beaux DVD de ce point de vue. Au-delà de la réelle beauté de l’artiste, magnifiée par trois superbes robes de soirée de couleurs différentes au cours du concert, et de l’élégance du lieu, scène d’été en plein air du Philharmonique de Berlin, dont les lumières changent tout au long de la soirée qui débute avant la tombée de la nuit, la qualité de l’image haute définition est proprement impressionnante. À tous points de vue, un Blu-Ray de démonstration.

LE DISQUE DU JOUR

An Evening
with Renée Fleming

(Concert à la Waldbühne, 2010)

Œuvres de Antonín Dvořák, Sir Edward Elgar, Aram Khachaturian, Erich Wolfgang Korngold, Ruggero Leoncavallo, Modeste Moussorgski, Giacomo Puccini, Richard Strauss, Piotr Ilitch Tchaïkovski, Richard Wagner

Renée Fleming, soprano
Berliner Philharmoniker
Ion Marin, direction

Un DVD/Blu-Ray du label EuroArts 2058074
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Photo à la une : © Timothy White/Decca