Son temps est venu

Robert von Bahr, l’infatigable « patron » de BIS, aura eu a cœur d’enregistrer d’abondance le mince catalogue de Wilhelm Stenhammar, réalisant la première grande anthologie de son œuvre d’orchestre et une intégrale des quatuors. Il initie toute une nouvelle série d’enregistrements qui prouvent tout à la fois sa fidélité à ce compositeur de première grandeur, son compatriote par ailleurs, et l’excellence de ses choix artistiques, sans mentionner évidemment la beauté de ses prises de son.

Sången, la grande ode à la puissance exultante ou consolatrice de la musique écrite par Stenhammar au soir de sa trop brève existence (il s’éteindra dans sa cinquante-sixième année) sur un poème de son élève et ami Ture Rangström, manquait au catalogue de BIS, elle n’avait d’ailleurs connu qu’un enregistrement dû à Herbert Blomstedt.

Les vastes lacis polyphoniques, le chœur immense et enivré, les quatre solistes personnifiant des idéaux, tout cela crée un univers sonore envoûtant et illustre à quel point le compositeur, parvenu au sommet de son art, donnait la main à ses élèves, Ture Rangström certes, mais surtout Hilding Rosenberg qui allaient faire entrer la musique suédoise dans le grand concert de la modernité européenne. Infatigable Neeme Järvi qui fait rugir les chœurs, soigne les atmosphères troubles d’un orchestre qui n’a rien à envier à celui de Sibelius, embrase le chant de ses solistes. Quelle œuvre !, qui clôt un disque de pièces brèves (Reveranza, les deux magnifique Romances sentimentales) et ajoute une rareté, la Suite de Roméo et Juliette qu’Hilding Rosenberg assembla à partir des musiques de scène : c’est l’opus ultime de Stenhammar, d’un tel raffinement, d’une telle économie d’écriture.

Et si Neeme Järvi nous offrait demain avec les mêmes forces de Göteborg un plein disque de cantates : Snöfrid, Ett Folk, I Rosengard, Midvinter feraient un bel album.

Mais pour l’heure, BIS publie un couplage imparable avec les deux chefs-d’œuvre d’orchestre que sont la ténébreuse Seconde Symphonie, et cette merveille méconnue, la grande Sérénade de 1913 que Stennhamar révisa en 1919. Surprise, c’est Herbert Blomstedt qui revient à un compositeur dont il n’avait gravé que Sängen.

Ces concerts à Göteborg captés en 2013 (Symphonie) et 2014 (Sérénade) sont imparables pour la perfection de l’exécution comme pour la pure beauté des interprétations, et aussi achevée que soit sa Seconde Symphonie, il me semble qu’Herbert Blowmstedt va encore plus loin dans l’écriture si libre, souvent teintée d’harmonies françaises, de la Sérénade, version admirable de poésie qui ne dépare pas une discographie de haute volée où brillent aux côtés des deux versions de Neeme Järvi celles de Kubelik et de Salonen, Blomstedt égalant le modèle imparable laissé par Stig Westerberg.

LE DISQUE DU JOUR


Wilhelm Stenhammar
(1871-1927)
Sången, cantate symphonique pour solistes, choeur et orchestre, Op. 44
Romeo och Julia – Suite, Op. 45 (arr. Rosenberg)
Reverenza, extraite de la “Sérénade en fa majeur, Op. 31” (version originale, 1913)
2 Romances sentimentales (arr. J. Johansson)*

*Sara Trobäck, violon
Charlotta Larsson, soprano
Martina Dike, contralto
Lars Cleveman, ténor
Frederik Zetterström, baryton
Chœur d’enfants de la Norrköpings Musikklasser
Orchestre Symphonique de Göteborg
Neeme Järvi, direction

Un album du label BIS 2359
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Wilhelm Stenhammar
Symphonie No. 2 en sol mineur, Op. 34
Sérénade en fa majeur, Op. 31

Orchestre Symphonique de Göteborg
Herbert Blomstedt, direction

Un album du label BIS 2424
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Photo à la une : Le compositeur et chef d’orchestre Wilhelm Stenhammar – Photo : © DR