Cendrillon de Vienne

Rudolf Lothar le lui avait suggéré : il était temps que le « Roi de la Valse » quittât les salons pour faire danser tout un corps de ballet. De toute façon, ses succès à l’opéra commandaient cette nouvelle conquête. Hanslick l’en pressa, et Mahler, alors directeur de l’Opéra de Vienne assembla un jury pour trouver le meilleur scénariste possible. Kolmann, un gentilhomme de la Cour, remporta la palme : sujet rabâché, Cendrillon. On sait la suite, Johann Strauss marqua peu d’enthousiasme pour ce canevas, sa plume traîna, un premier acte complet, quelques bribes du second, des idées et des esquisses pour l’ensemble notées dans le plus grand désordre, puis la mort qui suspendit tout.

C’était sans compter avec Josef Bayer, qui fouilla les manuscrits et assembla ce qui restait pour terminer le ballet. Mahler douta de la paternité de ces compléments, refusa de diriger l’œuvre, même lorsqu’il eut les manuscrits de Strauss sous les yeux. Finalement, ce sera Berlin qui montera l’œuvre, puis, Mahler une fois parti, Weingartner à Vienne.

Succès d’estime toujours, le ballet fut quasi oublié jusqu’à ce que Richard Bonynge lui donna une seconde chance au milieu des années 1970 allant jusqu’à l’enregistrer pour Decca.

Ernst Theis et ses Viennois mettent beaucoup de caractère à cette œuvre ultime qui n’est absolument pas un testament, se souvenant que Strauss avait déjà brillamment composé un ballet formidable pour l’Acte III de son Ritter Pasman.

L’esprit du conte infuse dans ce ballet assez peu classique une fantaisie qui doit certainement aussi beaucoup à Bayer lui-même, auteur célèbre de partitions chorégraphiques, et l’orchestre de Strauss qui se voua si longtemps au bref, étend ici des ramifications symphoniques surprenantes sans que jamais la singulière narration de ce ballet-pantomime ne s’en trouve amoindri : écoutez seulement le premier tableau du Troisième Acte.

Au final, une partition délicieuse qui ne sonne jamais bricolée et devrait retrouver plus souvent la faveur des compagnies de danse.

LE DISQUE DU JOUR

Johann Strauss II (1825-1899)
Aschenbrödel (Cendrillon), ballet intégral

ORF Radio-Symphonieorchester Wien
Ernst Theis, direction

Un album de 2 CD du label CPO 7779502
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Photo à la une : © DR