Lorsque Jean Sibelius révisa en 1904 le Concerto pour violon dont il avait achevé la composition l’année précédente, il savait qu’il tenait une manière de chef-d’œuvre.
L’âpreté de la partie soliste semble rappeler ses échecs de violoniste : les Wiener Philharmoniker le refusèrent, mais Vienne l’accapara, puis Berlin, la révolution Schönberg était en marche, il en fera son miel dont la radicalité de ce Concerto témoigne.
James Ehnes le joue comme un opus majeur de la nouvelle musique du début du XXe siècle.
Edward Gardner l’entend aussi comme cela avec les clartés glaciales des Norvégiens, cet orchestre drastique, raréfié ou minéral, ne se retrouvera pas avant la Quatrième Symphonie.
Tout cela met à distance les effets de style virtuoses que les violonistes y ont improvisés depuis Jascha Heifetz, seuls Ginette Neveux et Tossy Spivakovski osèrent le jouer dans toute sa roide splendeur, mais James Ehnes ajoute une distance supplémentaire, quelque chose d’analytique qui évite les écueils sentimentaux de l’Adagio : il préfère dire que chanter, rappelant que l’œuvre est voisine d’un retour au Kalevala, le Finale devient un conte tragique, le violon pourrait être Lemminkaïnen.
Le disque est généreux, ajoutant toutes les petites Sérénades, Humoresques, Mélodies postérieures au Concerto, aux charmes parfois étranges, où Sibelius semble avoir pris un malin plaisir à déployer un violon en tous points adverse à celui de son opus majeur. Pour cela, l’album est également précieux, pour la plénitude de sa prise de son aussi.
LE DISQUE DU JOUR
Jean Sibelius (1865-1957)
Concerto pour violon et
orchestre en ré mineur,
Op. 47
2 Humoresques, Op. 87
4 Humoresques, Op. 89
2 Pièces, Op. 77
2 Sérénades, Op. 69
Suite en ré mineur, Op. 117,
JS 185
James Ehnes, violon
Bergen Phillharmonic Orchestra
Edward Gardner, direction
Un album du label Chandos CHHSA 5267
Acheter l’album sur le site du label Chandos ou sur Amazon.fr ― Télécharger ou écouter l’album en haute-définition sur Qobuz.com
Photo à la une : le violoniste James Ehnes –
Photo : © Benjamin Ealovega (2018)