Son premier album osait la mise en regard de trois univers qu’il faisait plus proches qu’on ne l’aurait cru, pour son deuxième album un seul monde, et quel !
Si jeune s’engager dans les paysages et les pensées des trois dernières Sonates pourrait être un défi. Cristian Sandrin laisse cela loin derrière lui, son piano si modelé, son clavier si simple, si naturellement chantant, sa palette si subtile (le piano d’un peintre) prend un autre chemin, plus rêveur, moins escarpé. Dès l’Andante de l’Opus 109, un lautari s’invite, qui chante pour les étoiles.
Ces manières d’aède sont servies par un pianisme d’une folle élégance, qui se garde bien de souligner. Clavier fluide, sans marteau (un secret des pianistes roumains, de Dinu Lipatti à Radu Lupu en passant par Valentin Gheorghiu), jeu de pédale qui élargit soudain l’horizon, tels des panoramiques entraperçus au long d’un voyage qui unirait les trois Sonates d’un seul geste.
Mais après la Fugue de l’Opus 110, on se voit projeté comme au-delà même de l’Arietta. L’oreille se demande, qu’est-ce ? Le souvenir d’un Quatuor s’invite, c’est la Cavatina de l’Opus 130, comme Carl Tausig l’apprivoisa pour son piano, merveille si peu courue, méditation qui introduit un espace nocturne avant le portique Maestoso de l’Opus 111. L’ultime Sonate pour finir tendra au même éther.
Admirable disque-voyage d’un pianiste qui m’étonne de poésie, si naturellement chez lui en ces sommets.
LE DISQUE DU JOUR
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate pour piano No. 30
en mi majeur, Op. 109
Sonate pour piano No. 31
en la bémol majeur, Op. 110
Cavatina (extrait du « Quatuor à cordes No. 13 en si bémol majeur, Op. 130 » ; version pour piano seul : Carl Tausig)
Sonate pour piano No. 32
en ut mineur, Op. 111
Cristian Sandrin, piano
Un album du label Evil Penguin Classic EPRC0068
Acheter l’album sur le site du label Evil Penguin Classic, sur le site www.clicmusique.com ou sur Amazon.fr ― Télécharger ou écouter l’album en haute-définition sur Qobuz.com
Photo à la une : le pianiste Cristian Sandrin – Photo : © Gabriel Isserlis