Un premier album monographique, dédié aux Lieder de Richard Strauss, n’avait pas suffi à lui faire un nom. Ténor annonçait la pochette, mais le timbre si sombre ne le laissait accroire qu’à ceux qui avaient en mémoire l’Otello de Ramon Vinay.
Pourtant ténor il était, de placement absolument, et même de vocalité, et chez lui absolument chez Strauss, le lied resterait un des fleurons de son art, une Schöne Müllerin transformée en drame le prouve ici, version géniale qui en froissa plus d’un, mais ce sera l’opéra qui lui fera un nom, d’abord, il faut l’avouer par sa prestance physique autant que par la puissance stylée de son chant.
Abbado l’accompagnait de Mozart à Wagner en passant par Beethoven et Schubert pour un premier récital lyrique immaculé, où ne manque que le Max du Freischütz (il viendra), deux ans plus tard Antonio Pappano le menait quasi sauf au travers des écueils du vérisme, lui mettant dans le gosier des raretés signées Zandonai, Cilea, Ponchielli (I Lituani) !, et même l’air d’Osaka dans Iris, mais ce sont d’abord plus que Marcello, attendu, le Cielo e mar d’Enzo Grimaldo et un sidérant Vesti la Giuba, ou encore les bribes de Faust sous la plume de Boito qui sidèrent, tant de curiosité alliée à tant d’art qui se prolongeront pour des Airs romantiques où la ténor raffine encore son art.
Max enfin, Cavaradossi douloureusement caressé, inoubliable, un sublime Ruggero face à la Magda de Renée Fleming, le désespoir de Carlo après le départ d’Elisabetta, c’est la scène qui jaillit de la platine au longs d’un disque qui veut saisir tous ses rôles, et lorsque Werther paraît la messe est dite : ce que Kaufmann apporte aux deux héros de Massenet, l’autre étant Des Grieux, mais aussi à Don José, reste simplement historique.
Sensiblement moins à mon sens ses rôles wagnériens où il est si naturellement chez lui au point que ses spécificités, timbre, diction, colonne de son, legato instrumental sont moins saillantes que sous d’autres cieux. Mais qui voudra bouder son Siegmund, qui voudra se passer de ses Wesendonck-Lieder ? Un second disque le laisse nous causer de « son » Wagner, et regretter les rôles straussiens qu’il n’aura pas enregistrés, où parfois même chantés en scène, Bacchus (du moins capté en vidéo), L’Empereur surtout !
Trois intégrales complètent le panorama, évidement son Florestan face à la Leonore de Nina Stemme pour Claudio Abbado, mais peut-être plus encore son Huon de Bordeaux pour Gardiner, et cette rareté consentie à Armin Jordan, ce fils du Roi dans le sombre conte d’Humperdinck.
Ajout ultime, le Requiem scaligère de Barenboim. Oui, vous admirerez le style parfait de son Ingemisco, mais ce sera l’incendie d’Anja Harteros, future partenaire de tant de soirées munichoises, qui lui volera la vedette !
LE DISQUE DU JOUR
Jonas Kaufmann, ténor
The Decca Recordings
CD 1
Œuvres de Wolfgang Amadeus Mozart, Ludwig van Beethoven, Franz Schubert, et Richard Wagner
CD 2
Verismo Arias
CD 3
Romantic Arias
CDs 4-5
Wagner Wesendonck-Lieder, Arias
Jonas Kaufmann discusses Wagner
CD 6
Schubert Die schöne Müllerin, Der Jüngling an der Quelle
CDs 7-8
Weber Oberon
CDs 9-10
Beethoven Fidelio
CDs 11-13
Humperdinck Königskinder
CDs 14-15
Verdi Messa Da Requiem
Un coffret de 15 CD du label Decca 4870033
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Photo à la une : le ténor Jonas Kaufmann –
Photo : © DR