Le thème même du second livret d’Amin Maalouf pour Kaija Saariaho, la vengeance renoncée d’un fils contre son père violeur a été en quelque sorte détournée par le compositeur. Kaija Saariaho a mis toute sa science au portrait vocal d’Adriana, perdue entre rêve et cauchemar, souvenirs traumatisants et acceptation, dont Fleur Barron saisit la complexité avec un art admirable.
C’est elle l’héroïne, plutôt que les hommes perdus dans leur désir de vengeance, même si le Tsargo de Christopher Purves surprend par son incarnation expressionniste qui va comme à l’encontre du fabuleux orchestre atmosphérique, de ce continuum stellaire dont Kaija Saariaho enveloppait toutes ses créations, Esa-Pekka Salonen en raffinant l’étrange symphonie.
Défaut de l’œuvre, tirer un peu à la ligne, ce dont Kaija Saariaho se gardera bien pour son ultime opéra, autre portrait de femme, Émilie, saisissant monodrame incarnant le destin singulier d’Emilie du Châtelet, dont la création lyonnaise, en 2010, portée par une fabuleuse Karita Mattila, mériterait une publication. La bande existe, Deutsche Grammophon n’aurait qu’à l’éditer.
LE DISQUE DU JOUR
Kaija Saariaho
(1952-2023)
Adriana Mater
Fleur Barron,
mezzo-soprano (Adriana)
Axelle Fanyo, soprano (Refka)
Nicholas Phan, ténor (Yonas)
Christopher Purves,
baryton-basse (Tsargo)
San Francisco Symphony Chorus & Orchestra
Esa-Pekka Salonen, direction
Un album de 2 CD du label Deutsche Grammophon 4866075
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Photo à la une : la compositrice Kaija Saariaho –
Photo : © DR