Une légende autrichienne transposée en Forêt-Noire, un livret déduit par Fontana, écrivain que lui avait recommandé son maître Ponchielli, d’un récit d’Alphonse Karr qui s’était lui-même inspiré de l’argument de Théophile Gautier pour la Giselle de Léo Delibes, Puccini ne sut quasiment rien des origines étranges d’un sujet qui tombait à point pour sa plume.
Voici une bonne pincée de fantastique pour son orchestre imaginatif – une part essentielle de son art y paraît pour la première fois –, un personnage féminin trahi par son amant – Cio-Cio-San en serra la lointaine sœur – qui lui permet de révéler le lyrisme de sa vocalité qui éclate dès le premier air d’Anna, et un rôle masculin où il pourra laisser briller sa plume.
D’ailleurs au disque ce Villi sera d’abord l’affaire des primo uomo, Plácido Domingo, José Cura volant la vedette à des sopranos même prestigieuses, Renato Scotto en tête, et même Adriana Maliponte dans l’enregistrement bien injustement oublié d’Antonio Guadagno pour RCA : elle y émouvait d’autant plus que son Roberto lui était inférieur.
Mais sinon l’Anna d’Ermonela Jaho, pas dans son meilleur jour, aucune n’avait ce qu’il faut pour Anna, l’élan de la jeunesse et le trouble de l’abandon, l’ardeur de l’amour et le tragique du suicide passif comme celui d’Amina (qu’on ne voit pas, mais qu’on doit deviner dans la dernière scène de l’Acte II) et pour tout cela l’incarnation d’Anita Hartig est une bénédiction. On la croirait née pour Puccini, quelle Manon pour demain, quelle Butterfly…
Son Roberto ne démérite pas d’autant qu’il reste à sa place, Boris Pinkhasovich impressionne dans l’invocation de Guglielmo aux Villis. Ivan Repušić ose creuser le formidable orchestre que Puccini aura inventé ici, du Sabbat des sorcières à la scène finale, lui donnant les nuances fantasques que Lorin Maazel gommait un rien, surtout l’enregistrement capture l’esprit si singulier de la scapigliatura, qui au travers de tant d’écrivains italiens des premières années du XXe siècle aura également inspiré Respighi.
LE DISQUE DU JOUR
Giacomo Puccini (1858-1924)
Le Villi, SC 60
Anita Hartig, soprano
(Anna, fille de Guglielmo)
Kang Wang, ténor
(Roberto, fiancé d’Anna)
Boris Pinkhasovich, baryton
(Guglielmo Wulf, le garde forestier)
Chor des Bayerischen Rundfunks
Münchner Rundfunkorchester
Ivan Repušić, direction
Un album du label BR-Klassik 900359
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Photo à la une : la soprano roumaine Anita Hartig – Photo : © DR