Chez elle

Salle Gaveau, 7 février 1967, Alicia de Larrocha donne tout Iberia, ce qu’alors quasi personne ne faisait, et que depuis peu firent (le plus inspiré, et pas si loin d’elle, sera Luiz Fernando Pérez).

On donnait une pièce ou l’autre – Magda Tagliaferro n’en était pas avare à Paris même – on évitait les trois portées fabuleuses (mais surtout dangereuses, même si les pièges les plus raffinés sont souvent ailleurs) du Corpus Christi en Sevilla, façon certainement involontaire de réduire la péninsule à la vignette.

Alicia de Larrocha avait gravé sa première Iberia pour Hispavox une paire d’années plus tôt et sur un piano assez somptueux, un rien historique. À la Salle Gaveau elle aura un instrument plus modeste, mais elle s’en débrouille : le son est dans ses épaules, ses bras, ses grandes mains qui éclaboussent le clavier justement dans le Corpus Christi, mais la saeta qui sort des feux d’artifice, si dite jusque dans le pianissimo et où s’évoque le souvenir de mirages de La Vega, quel saisissement !

Tout Iberia est dedans, et cette rétractation vers le rêve, cette psyché de paysages sera partout dans Iberia, univers bouclé, dont chaque moment est consubstantiel. Le cycle se déroule tel un ruban, la concentration du geste doit s’accommoder des vivats et des mains qui battent à chaque fin de cahier, mais reprenant le voyage, poussant plus loin dans les secrets de cet univers versicolore, Alicia de Larrocha joue ce rêve éveillé enfin dévoilé à tous.

LE DISQUE DU JOUR

Isaac Albéniz (1860-1909)
Iberia

Alicia de Larrocha, piano
Enregistré en concert à la Salle Gaveau, à Paris, le 7 février 1967

Un album du label St Laurent Studio YSL 1534 T
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Photo à la une : la pianiste Alicia de Larrocha – Photo : © DR