Ravel et Rachmaninoff, Scriabine en invité, le programme sur le papier pourra sembler étrange, Benedek Horváth s’en explique dans le texte, mais la musique au fond suffit, passée l’entrée un peu carrée des Valses, elles seront strictement nobles et sentimentales avec distance, portées par ce piano étoffé, empli de couleurs, large et chantant.
Une pudeur désarmante enchante la nostalgie du petit Prélude pour Jeanne Leleu, une note de tendresse s’infuse dans À la manière de Borodine, Ravel serait-il devenu le terrain de jeu du jeune Hongrois ? Il faudrait Miroirs, Gaspard de la nuit pour en accroire, mais la nature même du son, profond, diffus, précis, suffisent à l’indiquer.
Le clou du disque sera pourtant la Deuxième Sonate de Rachmaninoff, emportée en tempête, qui rappelle quels moyens fabuleux sont les siens, mais dont le plus surprenant reste l’encre noire qu’il fait couler du clavier dans le Non Allegro. Pas si loin que cela de Zoltán Kocsis.
L’éther étrange qui ouvre la 9e Sonate de Scriabine laisse place à une action dramatique qui rappelle celle de la Sonate de Janáček enregistrée pour son deuxième disque (Artalinna, voir ici), mais au rayon Scriabine, il faudra d’abord aller au Nocturne pour la main gauche, ourlé, dit comme une confidence, comme jadis le faisait chanter Stanislas Neuhaus.
LE DISQUE DU JOUR
Maurice Ravel (1875-1937)
Valses nobles et sentimentales,
M. 61
Menuet en sol dièse mineur,
M. 42
À la manière de Borodine,
M. 63
Alexandre Scriabine (1872-1915)
Prélude et Nocturne pour la main gauche, Op. 9
Sonate pour piano No. 9, Op. 68
Sergei Rachmaninov (1873-1943)
Sonate pour piano No. 2 en si bémol mineur, Op. 36
Benedek Horváth, piano
Un album du label Hungaroton HCD329111
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Photo à la une : le pianiste Benedek Horváth – Photo : © Jean-Baptiste Millot