Depuis la Première Symphonie (voir ici), Karl Weigl s’est imposé comme le nouveau maître de la symphonie viennoise, Schönberg, Zemlinsky ayant flirté avec le genre, Symphonies de chambre, Symphonie lyrique, et évitant d’assumer de plain-pied l’héritage de Gustav Mahler. Karl Weigl osait apporter une réponse, et quasi un démenti, à l’autre maître de la symphonie à Vienne : Franz Schmidt.
Face aux ors, à la lyrique opulente du compositeur de Notre-Dame, il osait un langage plus sombre, des orchestrations amères, et de vastes structures redevables autant à Mahler qu’à Bruckner.
L’ampleur et la poésie de la Première Symphonie évoquaient ce dernier. Vingt-deux ans plus tard, l’univers de la Troisième Symphonie, à la tonalité schubertienne (si bémol majeur) est autrement sombre, même si l’Allegro molto initial conserve encore les rayons d’un soleil carinthien. L’Adagio est un nocturne saisissant, au climat délétère, un poison s’est insinué dans l’idylle, ce que la direction au cordeau de Jürgen Bruns souligne avec subtilité.
Le Finale, balançant entre Mercure et Mars, d’une complexité toute mahlérienne, semble noter la montée des périls qui contraindront in extremis le compositeur à fuir Vienne en 1938 pour gagner les États-Unis. Deux ans plus tard, le Prélude à une Tragédie rappelant les combats de la guerre précédente, et inspiré par la pièce pacifiste de Hans Chlumberg, sonne si amère, si enténébrée, au point de résonner telle une prophétie.
Interprétations inspirées, comme pour toute cette remarquable série d’enregistrements en première mondiale (hors 6è), l’éditeur ne le mentionne pas mais il me semble bien que si… Et maintenant, reste à graver la Deuxième Symphonie, elle aussi inédite au disque.
LE DISQUE DU JOUR
Karl Weigl (1881-1949)
Symphonie No. 3 en si bémol majeur
Vorspiel zu einer Tragödie
Deutsche Staatsphilharmonie Rheinland-Pfalz
Jürgen Bruns, direction
Un album du label Capriccio C5489
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Photo à la une : le chef d’orchestre Jürgen Bruns –
Photo : © Geert Maciejewski