Une poignée de disques en début de carrière pour RCA, alors qu’il était le protégé de Sol Hurok, une autre plus tardivement pour EMI France, un contrat avorté avec la Deutsche Grammophon – on rapporte qu’il ne s’entendit pas avec Karl Böhm pour l’enregistrement du Premier Concerto de Brahms – le destin discographique compliqué d’André Tchaikowsky le place en marge des grands pianistes de sa génération, injustice qu’augmente encore la redécouverte du compositeur : la résurrection à Bregenz de son génial Marchand de Venise aura encore brouillé la donne.
Mais heureusement nombre de ses concerts furent enregistrés, St-Laurent Studio leur dédie une série essentielle dont j’avais commenté les deux premiers volumes (voir ici pour le Vol. 1 et le Vol. 2) et qui s’enrichit de cinq nouvelles parutions, parcourant tout l’orbe de sa carrière.

Le jeune virtuose piaffe lors d’un ébouriffant concert chez lui, à la Philharmonie de Varsovie, où il évite soigneusement Chopin, lui préférant côté Pologne de détonnants Masques de Szymanowski. Les Modernes lui vont comme un gant, Etudes de Debussy faites à grands traits, 7e Sonate de Prokofiev tellurique, mais pourtant ce sera l’Opus 109 de Beethoven qui dévoilera tout son art, et un tropisme viennois qui le mènera à Schubert.
La décennie 1970 verra l’acmé de son art, le concert du 23 avril 1972 en disant tout, l’oreille du compositeur saisit chaque détail d’En plein air, ouvre grandes les portes ce cet atelier sonore, la Pastorale est idéale d’équilibre et la Fantaisie de Schumann d’une hauteur de vue presque intimidante. Le récital suivant est plus incertain, son Pétrouchka n’est pas vraiment prêt, prend l’eau, mais cette 27e Sonate de Beethoven le montre chez lui, alors même qu’il commençait à s’immerger dans le continent Schubert.
Porte d’entrée risquée, la Sonate en si bémol majeur lui inspire un monde sonore entre onirisme et abîme, sommet d’une soirée commencée par un somptueux Concerto italien. L’ultime récital, donné six mois avant que le cancer ne l’emporte, ne laisse entendre aucune fatigue : la puissance lyrique avec laquelle il arpente la grande Sonate en sol majeur prouve qu’il s’était vraiment trouvé en Schubert, mais les adieux seront chez Chopin, avec enfin tous les Préludes – il n’en avait gravé qu’une sélection pour RCA – œuvre au noir sous ses mains de poète, et en bis ce Nocturne beau à pleurer.
LE DISQUE DU JOUR
André Tchaikowsky, piano
Vol. 3
Franz Liszt (1811-1886)
Fantaisie et Fugue en sol mineur, S. 463/2 (d’après
J. S. Bach, BWV 542)
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate pour piano No. 30
en mi majeur, Op. 109
Karol Szymanowski (1882-1937)
Masques, Op. 34
Claude Debussy (1862-1918)
Etudes pour piano, CD 143, Livre II (2 extraits : No. 7. Pour les degrés chromatiques ; No. 11. Pour les arpèges composés)
Sergei Prokofiev (1891-1953)
Sonate pour piano No. 7 en si bémol majeur, Op. 83
Un album du label St-Laurent Studio YSL T 1473 (Concert enregistré à la Philharmonie Nationale de Varsovie le 14 juin 1956)
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André Tchaikowsky, piano
Vol. 4
Béla Bartók (1881-1945)
En plein air, Sz. 81, BB 89
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate pour piano No. 15
en ré majeur, Op. 28 « Pastorale »
Robert Schumann (1810-1856)
Fantaisie en ut majeur, Op. 17
Un album du label St-Laurent Studio YSL 1474 T (Concert enregistré au Queen Elizabeth Hall, à Londres, le 23 avril 1972)
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André Tchaikowsky, piano
Vol. 5
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate pour piano No. 27
en mi mineur, Op. 90
Robert Schumann
(1810-1856)
Fantasiestücke, Op. 12
(2 extraits : I. Des Abends ;
V. In der Nacht)
Claude Debussy (1862-1918)
Images, 1ère série, CD 105 (extrait : II. Hommage à Rameau)
Igor Stravinski (1882-1971)
Trois Mouvements de Pétrouchka, K 012C
Frédéric Chopin (1810-1849)
Mazurka en fa mineur, Op. 63 No. 2
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Sonate pour piano (No. 13) en si bémol majeur, K. 333/315c*
Un album du label St-Laurent Studio YSL 1475 T (Concert enregistré au Queen Elizabeth Hall, à Londres, le 25 novembre 1973 ; *en studio le 10 février 1967)
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André Tchaikowsky, piano
Vol. 6
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Concerto italien en fa majeur, BWV 971
Concerto pour clavier No. 1
en ré mineur, BWV 1052*
Franz Schubert (1797-1828)
Sonate pour piano No. 21
en si bémol majeur, D. 960
*Serenata of London – *Emanuel Hurwitz, direction
Un album du label St-Laurent Studio YSL 1476 T (Concert enregistré au St John’s Smith Square, à Londres, le 26 mars 1978 ; *Londres, le 24 juillet 1973)
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André Tchaikowsky, piano
Vol. 7. The Last Recital
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Toccata en ut mineur,
BWV 911
Franz Schubert (1797-1828)
Sonate pour piano No. 18
en sol majeur, D. 894
Frédéric Chopin (1810-1849)
24 Préludes, Op. 28
Nocturne en ut mineur, Op. 48 No. 1
Un album de 2 CD du label St-Laurent Studio YSL 1477 T (Concert enregistré au Queen Elizabeth Hall, à Londres, le 6 décembre 1981)
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Photo à la une : le pianiste André Tchaikowsky –
Photo : © The Tchaikowsky Estate