Ceux qui auront redouté l’alliage d’Igor Levit et de Christian Thielemann – je me demande bien à quel titre d’ailleurs – en seront pour leurs frais : une certaine élévation, un sens de la grande ligne, une volonté de jouer plus classique que romantique les réunit d’évidence, ce qui pour les orages du Maestoso du Concerto en ré mineur sera un peu court ; la faute au pianiste dont le son ne rayonne pas, qui refuse l’expansion symphonique que Brahms exige ici du clavier. Mais l’Adagio, joué comme un nocturne !, quelle intensité dans le pianissimo partagée entre le pianiste et les Viennois !, qui rembourse d’un Finale seulement impeccable.
Étrangement, leur Deuxième Concerto est plus réussi, étrangement car il demande au pianiste d’être plus athlète encore que pour le Premier, même si cela s’entend moins. Igor Levit en triomphe, poète absolument, faisant montre d’une endurance qui semblait lui manquer parfois pour le ré mineur.
Le plus beau de l’album reste le disque des opus ultimes où Igor Levit soliloque avec une nuance un rien désespérée, cet automne-là a déjà des goûts d’hiver jusque dans un certain refus de la couleur, en gris et blanc, mais toujours fascinant dans les opus proches du silence. Clin d’œil final, la célèbre Valse où le chef rejoint le pianiste pour un quatre mains sans façon.
LE DISQUE DU JOUR
Johannes Brahms
(1833-1897)
Concerto pour piano et orchestre No. 1 en ré mineur, Op. 15
Concerto pour piano et orchestre No. 2 en si bémol majeur, Op. 83
7 Fantaisies, Op. 116
3 Intermezzos, Op. 117
6 Klavierstücke, Op. 118
4 Klavierstücke, Op. 119
Valse en la majeur, Op. 39 No. 15* (version à 4 mains)
Igor Levit, piano
Wiener Philharmoniker
Christian Thielemann, direction, *piano
Un album de 3 CD du label Sony Classical 19658897652
Acheter l’album sur Amazon.fr ― Télécharger ou écouter l’album en haute-définition sur Qobuz.com
Photo à la une : le pianiste Igor Levit avec le chef d’orchestre Christian Thielemann – Photo : © DR