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Exaltation

Lorsque Charles Munch emmenait le National en tournée, les concerts se faisaient explosifs, plus encore qu’à Paris. Une exaltation emporte la Troisième Symphonie de Roussel qu’il aura gravée avec Lamoureux, disque célébrissime mais Lamoureux et son premier violon gâché de vibrato ne pouvaient rivaliser avec le National qui jouait cette symphonie depuis les années trente.

Munch détaille avec des luxes de phrasés, d’accents, les sections enchaînées du vaste Adagio, bien plus poète qu’au studio, et dans le fabuleux 14-juillet-sonore du Finale, il atteint à cette ivresse inouïe, signature de son art.

Mais le clou de ce concert donné au Bunka Kaikan de Tokyo est l’ombrageuse Première Symphonie de Brahms et ses paysages inouïs, Munch dressant son orchestre en tempête, se souvenant de ses années de violoniste à Leipzig. L’ombre de Furtwängler passe ici, écoutez seulement.

LE DISQUE DU JOUR

Charles Munch
Vol. 32

Albert Roussel (1869-1937)
Symphonie No. 3 en sol mineur, Op. 42, L. 53
Johannes Brahms (1833-1897)
Symphonie No. 1 en ut mineur, Op. 68

Orchestre National de l’O.R.T.F.
Charles Munch, direction
Enregistré au Japon le 20 octobre 1966

Un album du label St-Laurent Studio YSLT-799
Acheter l’album sur le site du label www.78experience.com

Photo à la une : le chef d’orchestre Charles Munch – Photo : © DR

Le magicien de Montfort

Gramophone vient de lui décerner son prix du meilleur disque orchestral de l’année. Ce Daphnis et Chloé selon Les Siècles est le pénultième volume de la saga que François-Xavier Roth et ses musiciens auront consacré aux Ballets Russes, il m’avait échappé. Continuer la lecture de Le magicien de Montfort

Révisons nos classiques

Un couplage imparable assemblé sur le thème des Ballets Russes par Cyrus Meher-Homji pour sa collection Eloquence rappelle à quel point Ernest Ansermet fut versé dans les musiques écrites pour la troupe de Diaghilev. Ironie de la discographie pourtant abondante du chef helvétique, il ne gravera pas Parade, ni l’intégrale de Chout (mais une grande sélection) et l’éditeur laisse de côté ses versions éclairantes du Tricorne, du Chant du rossignol, de Renard, si bien que seul Pulcinella (peu gâté par un trio vocal frustre) et Les Noces (géniales de bout en bout, écoutez le sel qu’y met Hugues Cuénod !) illustrent ici des œuvres qu’il a créées. L’écriture claire et anguleuse de Stravinsky lui va comme un gant, mais pour parfaites que soient ses interprétations, une émotion supplémentaire se dégage du pan français de ce double album.

Daphnis et Chloé, La Valse, le Prélude à l’après-midi d’un faune (avec les incroyables diaprures de la flûte de Pépin), Jeux, ces disques sont célèbres, mais les connait-on vraiment ?

Daphnis et Chloé est une merveille qui égale les gestes de Pierre Monteux, Charles Munch ou André Cluytens, avec en prime une prise de son faramineuse qui sculpte l’espace et que cette réédition rend mieux que les précédentes : on y voit non seulement le ballet, Ansermet battant ses mesures dans le tempo des danseurs, mais on y entend aussi la narration de la pantomime dans la volupté des décors de Bakst ; en tous points la sensation d’être à la création de l’œuvre. Et la poésie trouble de Ravel fut-elle jamais mieux servie, dite avec tant de pudeur et pourtant tant de sensualité ? Quel orchestre, quel art des respirations, quelle magie des atmosphères qui gagne même jusqu’au chœur, magnifiquement mené.

La Valse, filée comme un mauvais songe, est superbe de style (c’est l’ultime enregistrement des quatre que lui consacra Ansermet). Et Debussy ? Le Prélude, torpide, ne s’oublie plus avec ses pleins et ses déliés extatiques, son faune si sexuel : on voit le râle de plaisir de Nijinsky.

Le sommet de l’ensemble est pourtant Jeux, partition réputée injouable pour les orchestres d’alors. Mais Ansermet savait se débrouiller des mesures les plus complexes et dirige le tout dans une fluidité envoûtante, faisant apparaître le trio amoureux des joueurs de tennis, décrivant cette symphonie de nuit éclairée avec non plus simplement de la sensualité mais un érotisme qui s’échevèle dans des crescendo névrotiques. Lecture géniale, unique, que l’on ne connaît pas assez. Ecoutez seulement. Et lisez le très beau texte de François Hudry.

LE DISQUE DU JOUR

Ernest Ansermet and the Ballets Russes

Claude Debussy (1862-1918)
Prélude à l’après-midi d’un faune, L. 87
Jeux, L. 133
Maurice Ravel (1875-1937)
Daphnis et Chloé, M. 57
La Valse, M. 72
Igor Stravinski (1882-1971)
Pulcinella
Les Noces

Marilyn Tyler, soprano (Pulcinella)
Basia Retchitzka, soprano
Lucienne Devallier, contralto
Carlo Franzini, ténor (Pulcinella)
Hugues Cuénod, ténor
Boris Carmeli, basse (Pulcinella)
Heinz Rehfuss, baryton-basse
Chœur Motet de Genève
Chœur et Orchestre de la Suisse Romande
Ernest Ansermet, direction

Un album de 2 CD du label Decca 482 4989 (Collection « Eloquence Australia »)
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Photo à la une : © Decca