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Le Monde selon Berio

Les albums de festival ont du bon. Cette fois, Deutsche Grammophon herborise dans les archives du Festival de Verbier entre 2004 et 2015. Part faite un peu trop belle Continuer la lecture de Le Monde selon Berio

Pastorale morave

Vingt-trois duos pour soprano et alto, avec dans l’Opus 20 l’apport d’un ténor qui fait diversion, voilà ce que Dvořák moissonna, entre autres, de l’été 1876 à l’automne 1877. Ces merveilles peu courues au disque sont au cœur de ses mélodies, part la plus méconnue de son œuvre, mais pas la moins inspirée.

Pourtant, lorsque son éditeur lui en soumit l’idée, il refusa net pour mieux se raviser ensuite, conquis par l’insistance d’un couple d’amis : s’il prenait les textes de chansons moraves, les choisissant lui-même, la musique serait de sa plume. Tout en dorant avec poésie les idiomes moraves qui seront si chers à Janáček et à Mahler, il écrit une musique absolument savante dans une inspiration populaire, le tout produisant un folklore imaginaire qui sera l’une des constantes de son art. Ces Duos furent parmi ses premiers succès internationaux, Brahms les aima tant qu’il recommanda Dvořák à son éditeur berlinois, Simrock.

Il faut dans ces perles un naturel absolu, des voix fraîches comme des sources, des chanteuses et un chanteur qui incarnent les mots dans toute leur immédiateté émotionnelle et savent en faire danser les notes.

Simona Šaturová et Markéta Cukrová, de leurs timbres parfaitement appariés, les chantent comme à la maison, avec un naturel où s’alternent piquant et nostalgie, Petr Nekoranec ajoutant son beau ténor lyrique, le piano de Vojtěch Spurný danse ou rêve, alerte et versicolore, mettant par son clavier plein d’imagination comme un petit orchestre champêtre.

Album délicieux, qui enfin rend justice à ces opus trop oubliés hors de Tchéquie.

LE DISQUE DU JOUR

Antonín Dvořák (1841-1904)
4 Duos moraves, Op. 38
La vie de soldat
Sur notre toit
4 Duos moraves, Op. 20
13 Duos moraves, Op. 32

Simona Šaturová, soprano
Markéta Cukrová, mezzo-soprano
Petr Nekoranec, ténor
Vojtěch Spurný, piano (Piano Bösendorfer du compositeur, Vienne, 1879)

Un album du label Supraphon Records SU4238-2
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Photo à la une : La soprano Simona Šaturová – Photo : © Lucie Robinson

Un génie

L’industrie phonographique vous réserve parfois de ces surprises ! Déballant un colis de disques, j’y trouve un coffret de dix CD consacrés à l’art de Váša Příhoda. Si vous ne connaissez pas ce violoniste tchèque, attendez-vous à une sacrée révélation. Les amateurs de violon le tiennent pour un des plus grands virtuoses du XXe siècle, dont l’intonation parfaite, la plénitude sonore, la pure beauté instrumentale du jeu le placent à égalité avec Jascha Heifetz, Julian Sitkovetsky, Josef Hassid et Michael Rabin, rien moins. Continuer la lecture de Un génie

Sa Patrie

L’écrire est terrible, mais condamné par son cancer, Jiří Bělohlávek aura transcendé son art : ses récents Dvořák, Symphonies, Concertos, Danses slaves (parmi les plus belles depuis Kubelík), Stabat Mater le disaient assez : revenu chez lui à Prague, enfin choisi en 2012 par les musiciens de la Philharmonie tchèque, il atteignait au but de sa vie : inscrire son art dans la filiation de ceux de Václav Talich et de Karel Ančerl, rien moins. On ne pouvait le lui contester depuis dix ans, et ce n’est pas un hasard si, au terme, paraît cette version granitique de Má Vlast patiemment enregistrée Salle Smetana du 12 au 14 mai 2014.

Granitique et narrative, un conte sombre dont les épisodes épiques se rassérènent dans des paysages aux détails ouvragés dès la harpe d’aède qui ouvre Vysehrad, où des personnages paraissent saisis dans toute la violence de leur mouvement – Sarka ! –, tout un théâtre d’images où paraît le récit national.

Mais derrière ces contes formidables emplis de bruits et de fureur, une amertume glaciale s’incarne dans l’identité sonore même de la Philharmonie Tchèque, quelque chose d’irrémédiable, de funèbre qui pleure éperdument dans la clarinette de Sarka. Magnifique désespoir d’un lyrisme terrible, tenu de si près par Jiří Bělohlávek, si surveillé, si intensément sculpté qu’en refermant l’album un souvenir me saisit : cette tension, ce geste épique, ces sonorités quasi mahlériennes, où les avais-je déjà entendues incarnées ainsi dans le chef-d’œuvre de Smetana ?

Chez Václav Smetáček, qui fut toujours l’auteur de ma version favorite. Bělohlávek le rejoint, autre héros de ce panthéon.

LE DISQUE DU JOUR

Bedřich Smetana (1824-1884)
Má Vlast (Ma patrie)

Orchestre Philharmonique Tchèque
Jiří Bělohlávek, direction

Un album du label Decca 4833187
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Photo à la une : © DR