Archives par mot-clé : Manuel de Falla

Les secrets de Don Manuel

Par deux fois, Ernest Ansermet grava avec son Orchestre de la Suisse Romande ce Tricorne qu’il avait créé, en monophonie avec Suzanne Danco, puis repris avec Teresa Berganza pour la stéréophonie mythique de Decca, gravure immaculée demeurée référence. Continuer la lecture de Les secrets de Don Manuel

Con fuoco

La plainte mélismatique du Polo résonne, ardente, feulée, on voit les gitans assemblés, on entend les rasgueado des tocadors, le taconeo de la danseuse. Qui chante ainsi l’ultime des Sept chansons populaires espagnoles de Manuel de Falla ? Nadège Rochat, déployant le plus vocal des violoncelles qui en remontre à la plus farouche des mezzo-sopranos. Transcription ? D’elle–même et de son guitariste. Il y a du duende dans cet archet, un élan, une plainte aussi que vient aviver la guitare virtuose et amère du grand Rafael Aguirre, partenaire du second album de cette violoncelliste prodige qui fit sensation à ses débuts au Konzerthaus de Berlin en 2010. La femme est aussi belle que l’artiste, ce qui ne s’entend pas au disque, car la préoccupation première de son art n’est certainement pas esthétique. Continuer la lecture de Con fuoco

Étrange et beau

C’est entendu, Steven Osborne a gravé la plus singulière intégrale du piano de Maurice Ravel parmi les dernières propositions de la discographie. Voilà qu’il la parachève avec les Concertos.

Son sol majeur en laissera plus d’un sur le bord du chemin Continuer la lecture de Étrange et beau

Le piano et Candelas

Une intégrale du piano de Falla ? Non, mais l’esprit de Falla dans un piano, oui, voici ce qu’offre ici Wilhem Latchoumia. Ce n’est plus un secret, Falla se rêva d’abord pianiste : il avait les couleurs de ses orchestres à venir dans son clavier, mais ses doigts, ses mains sans guère de chair, aux muscles émaciés, malgré les efforts de son professeur José Trago, ne purent en faire un virtuose. Il sera donc compositeur, et majeur au même degré que Bartók ou Stravinski, précipitant après Albéniz l’Espagne dans le concert moderne.

Le piano lui permit de jeter sa gourme avec les Quatre pièces espagnoles : sensible à cet univers comme personne depuis Larrocha et Sanchez, Latchoumia fait entendre tout ce que Falla soustrait à la musique française de l’époque pour le remâcher, en faire sa langue : Fauré, Debussy, le premier Ravel paraissent dans une syntaxe déduite d’Albéniz ; rarement le creuset de cette musique n’a été aussi sensible.

Plutôt que de s’attarder aux pièces de jeunesse péniblement retrouvées par les hagiographes, Wilhem Latchoumia s’est concentré sur les chefs-d’œuvre où Falla progressivement résuma sa pensée et son art dans l’étroitesse aride du piano.

Sa Fantaisie bétique regarde sans ciller celle de Larrocha, bloc implacable où se mire une Espagne maure fantasmagorique, son Tombeau de Debussy ressuscite un quasi ami, celui de Dukas convoque un fantôme, ensemble de spectres que viennent vivifier les transcriptions réalisées par l’auteur du Retable des Trois Danses du Tricorne et de son Amor brujo. Si pour Le Tricorne l’orchestre jaillit du clavier, transporté par une science des timbres et des rythmes qui indiquent le génie de Latchoumia, dans L’Amour sorcier la « gitaneria » paraît et le drame se noue sous vos yeux.

Disque ardent, voyage stupéfiant dans un univers plus guère arpenté, j’en ai signé la notice, peu importe, mais l’art du pianiste, qui devrait poursuivre dans cette Espagne qui lui va si bien (Ibéria un jour j’espère), et aussi chez Villa-Lobos qui semble avoir écrit pour lui Rudopoema, fait de cet album une brûlante merveille.

LE DISQUE DU JOUR

cover falla latchoumia ldvManuel de Falla (1876-1946)
Quatre pièces espagnoles
Homenaje (Le Tombeau de Claude Debussy)
El sombrero de tres picos
(3 Danses)

Canto de los remeros del Volga
El amor brujo
Pour le Tombeau de Paul Dukas
Fantasia Baetica

Wilhem Latchoumia, piano

Un album du label La Dolce Volta LDV 27
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Photo à la une : © DR