Archives de catégorie : Discophilia. Les chroniques de Jean-Charles Hoffelé

Jean-Charles Hoffelé nous raconte ses écoutes, ses coups de coeur, ses déambulations dans la grande histoire de l’enregistrement du disque classique

Fleurs d’Argentine

Les Argentins ne sont pourtant pas des Lusitaniens, mais le beau cycle tranquille à force de nostalgie que Carlos Guastavino écrivit en 1969 sur des poèmes de León Benarós est merveilleux de poésie discrète même lorsqu’il s’anime d’un sourire dansant. La délicatesse des traits, la simplicité du chant Continuer la lecture de Fleurs d’Argentine

Second souffle

Nouvelle donne : en 1961, un tournant se prenait à Bayreuth, Wieland laissait le Ring à Wolfgang, Rudolf Kempe imposait son orchestre marmoréen, objectif, presque froid, loin des humanités de Knappertsbuch et de Keiberth et refusant aussi la lumineuse incandescence si futuriste de Clemens Krauss (Pierre Boulez lui ne l’oubliera pas), les équipes changeaient, le règne de Nilsson commençait, Windgassen échangeait Siegfried contre Siegmund.

En 1961, plus encore que durant l’été précédent, c’est l’empreinte de Rudolf Kempe qui s’imprime partout, temps long dès le Rheingold, maîtrise de l’architecture, glacis d’un orchestre par strates ; depuis son Ring de Covent Garden 1957, il avait imposé sa battue imperturbable, mais quelques nouveaux venus le bousculent : la Fricka furibonde de Regina Resnik qui incendie sa scène au Rheingold, la sensualité dorée de la Sieglinde de Crespin (sa plus belle car sa plus libre), le Wotan âpre et noble de Jerome Hines qui ose plus encore qu’en 1960 imposer ses récits libres.

La méthode Kempe parvient à ses fins dans un Götterdämmerung d’une noirceur radicale où le diamant brut de Birgit Nilsson semble épuiser par sa perfection tous les défis de Wagner, mais la Brünnhilde de Walküre est plus insensée encore, et c’est Astrid Varnay qui l’enflamme : il faut l’entendre à l’Acte III face à Jerome Hines : simplement immense d’humanité.

Une merveille dans ce Ring, et qu’il faut saisir ici : dans Siegfried, le Wanderer de James Milligan, baryton-basse canadien, voix sublime, acteur génial. Quelques mois plus tard, son cœur lâchait, nous privant de son Wotan que Bayreuth espérait.

LE DISQUE DU JOUR

Richard Wagner (1813-1883)
Der Ring des Niebelungen, WWV 86

Astrid Varnay, soprano
Birgit Nilsson, soprano
Régine Crespin, soprano
Regina Resnik, mezzo-soprano
Grace Hoffmann, mezzo-soprano
Marga Höffgen, contralto
Hans Hopf, tenor
Gerhard Stolze, ténor
Fritz Uhl, ténor
Thomas Stewart, baryton
Gottlob Frick, basse
Jerome Hines, basse

Chor und Orchester der Bayreuther Festspiele
Rudolf Kempe, direction
Enregistré à Bayreuth en 1961

Un coffret de 13 CD du label Orfeo C928613Y
Acheter l’album sur le site www.clicmusique.com, ou sur Amazon.fr

Photo à la une : © DR

L’œuvre au noir

Deux violonistes hantèrent le Premier Concerto de Chostakovitch, David Oistrakh et Leonid Kogan. Le premier y conduisait une réflexion quasi philosophique, y chantait une prière dans la nuit dont Chostakovitch aimait les inflexions juives, le ton biblique dont le grand Nocturne se trouvait saturé. Leonid Kogan jouait âpre Continuer la lecture de L’œuvre au noir