Archives par mot-clé : Ottorino Respighi

La belle oubliée

Gabriella Lengyel, ce nom, aux assonances hongroises, me rappelait bien quelque chose. Ce fut sous son archet, qu’enfant, je découvris au disque les Duos de Bartók où elle dialoguait avec Anne-Marie Gründer, au sein d’un microsillon Ducretet-Thomson Continuer la lecture de La belle oubliée

Malédiction

Avec La Fiamma, Respighi disait adieu à l’opéra, qu’il avait essayé de sauver du vérisme. Son librettiste Claudio Guastalla, requis pour fournir un livret situant son action dans l’Empire byzantin à l’époque de l’Impératrice Theodora, finit par le convaincre en adaptant la pièce d’Hans Wiers-Jenssen, Anne Pedersdotter Continuer la lecture de Malédiction

Lyrisme et panthéisme

Riccardo Chailly prévient en quelque sorte en précédant la Troisième Symphonie de la Vocalise qu’il nimbe d’une nostalgie subtile : il ne fera pas saillir les écritures névrotiques que tant soulignent dans l’ultime symphonie de Rachmaninov, non, au contraire, ses audaces, sa versatilité, ses amertumes il les lie tout ensemble dans un vaste geste lyrique où les lignes mélodiques chantent à profusion dans des décors sonores d’un raffinement que les orchestres russes n’y auront jamais mis, question de simple virtuosité des pupitres : Rachmaninov écrivait pour les Philadelphiens, qui formaient alors, à l’égal de leurs collègues de Boston, l’orchestre le plus européen des Etats-Unis, et ce jusque dans la facture des instruments utilisés.

Cette virtuosité éclairante, Riccardo Chailly la trouve dans les super solistes réunis à Lucerne, et la forêt polyphonique de cette grande symphonie crépusculaire supplante enfin ses foudroiements qui n’étaient que l’extérieur de son écriture : soudain la Troisième se coule au long du grand fleuve lyrique de la Deuxième Symphonie, dont le chef italien nous offrira peut-être un jour la version sans aucune coupure.

Hélas, il aura préféré ouvrir ce concert tout Rachmaninov avec le Troisième Concerto, le dirigeant également lyrique, tout en sfumatos nostalgiques, pour mieux buter contre le piano en bois de Denis Matsuev, virtuose certes, mais sans un gramme des imaginations que l’orchestre essaye pourtant de lui suggérer.

Riccardo Chailly n’aura pas ce souci pour l’envoûtant programme Respighi qu’il confie à son Philharmonique de la Scala, préférant pendre les solistes en leur sein pour les deux pages qui donnent à l’album sa touche de rareté : le violon solo de la Leggenda, Francesco De Angelis qui joue le Stradivarius de Josef Suk, émane de l’orchestre comme une voix – il faudra qu’il nous enregistre le plus célèbre Poème d’automne. Les deux hautbois agrestes de Di sera glissent leur chant vespéral dans le lacis des cordes, ces deux miniatures formant avec l’Aria un triptyque où l’art du jeune Respighi évoque pour la dernière fois l’univers de Martucci.

Le pastiche de la 3e Suite des Danses et airs antiques pour luth émerveille par la finesse de ses dessins, son allant, la pureté brillante qui se teinte de nostalgie, Chailly l’aura préférée aux Fêtes romaines, brisant le triptyque (qui sait, pour nous réserver la surprise d’un second volume ?), gardant les seuls Pins et Fontaines, la ténébre et la lumière.

Ses Pins versent au sombre après l’arc-en-ciel d’une aveuglante précision de la Villa Borghèse : les deux lentos imposent un orchestre de cendres qui creusera encore la sourde rumeur ouvrant sur la Via Appia dont la marche pleine de buccins est d’un éclat terrible.

Le miracle de ce disque fascinant reste les quatre FontainesRiccardo Chailly distille un orchestre d’une poésie insensée, panthéisme doré qui distille le silence de l’aube à la Valle Giulia pour mieux faire entendre l’alouette perdue dans un feuillage de cordes, jaillissement emperlé de soleil où s’ébroue le Triton, grand déploiement des jeux d’eau de Trévise dans une lumière aveuglante, avant que le ruban doré qui serpente dans le couchant des jardin de la Villa Medicis ne chante son poème où perlent déjà des étoiles sonores, cloches distantes qui endorment le paysage.

Tout cela fait avec une précision des timbres, des alliages, des respirations dont la finesse d’exécution fait, au travers des sensualités de Respighi, penser à la perfection d’un orchestre ravélien. Magique, et qui commande une suite à cette première anthologie.

LE DISQUE DU JOUR

Sergei Rachmninov
(1873-1943)
Symphonie No. 3 en la mineur, Op. 44
Vocalise, Op. 34 No. 14 (version orchestrale)
Concerto pour piano No. 3 en ré mineur, Op. 30
Étude-tableau en la mineur, Op. 39 No. 2 (arr. pour orchestra : Ottorino Respighi)

Denis Matsuev, piano
Orchestre du Festival de Lucerne
Riccardo Chailly, direction
Un DVD du label Accentus Music ACC20487
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Ottorino Respighi
(1879-1936)
Pini di Roma, P. 141
Antiche danze ed arie per liuto – Suite No. 3, P. 172
Fontane di Roma, P. 106
Aria per archi (arr. pour orchestre : Di Vittorio)
Leggenda en sol mineur, P. 036
Di sera, pour deux hautbois et cordes, P. 048

Filarmonica Della Scala
Riccardo Chailly, direction
Un album du label Decca 0002894850415
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Photo à la une : le chef d’orchestre Riccardo Chailly – Photo : © DR

Sur les ailes du chant

Nicolai Gedda aura tout chanté, et tout avec le même art, exemple unique qui n’a pour alter ego que Dietrich Fischer-Dieskau. Comme lui, il fut un récitaliste impénitent Continuer la lecture de Sur les ailes du chant